Du haut de ses 1200 pages, la grève fait peur. Quand on se lance dans un tel pavé, on espère qu'il soit passionnant. Au fil de ma lecture, Atlas Shrugged aura été un véritable ascenseur pour moi avec des passages prenants, intéressants et passionnants et d'autres longs et pénibles.
Atlas Shrugged (La Grève en français alors que l'auteure elle-même avait refusé ce titre, le jugeant trop spoiler) raconte une dystopie américaine très extrême. Le monde est manichéen : les bons sont d'un côté - les entrepreneurs, de véritables génies de la production - et les mauvais de l'autre - les pillards, opportunistes et malhonnêtes qui usent de toutes les fourberies pour taxer les bons -. Au milieu de cela se trouve le peuple, apathique, subissant les conflits entre bons et mauvais. Un jour, lassés d'être "exploités" par les pillards, les élites décident de réagir...
Ayn Rand n'y va pas avec le dos de la cuillère dans ce roman et la demi-mesure n'est pas de mise. Ici, il faut choisir son camp, soit on est un parangon entrepreneur, soit on est un lâche exploiteur. Les portraits décrits sont gros et l'on devra aimer les bons (beaux et plein de détermination) et détester les méchants (moches et vils). Et c'est bien là qu'il faut prendre de la distance : le monde et les personnages décrits dans Atlas Shrugged sont extrêmement stigmatisés, il convient de l'observer et de le comprendre.
Car ces éléments, au premier abord, peuvent clairement rebuter. L'idéologie ultra-capitaliste défendue semble nauséabonde, certains n'arriveront pas à passer outre. Le point d'orgue de cet écueil ? Le discours de John Galt, 60 pages ininterrompues de pamphlet contre les "pillards" et les gens dont la morale est dictée par des codes sociaux ou religieux. Imbuvable, redondant, ce passage est souvent souligné comme la véritable pensée d'Ayn Rand, le mal absolu.
Mais Atlas Shrugged propose un grand nombre d'axes de réflexion intéressants. Des questions qu'il convient de se poser, des questions que l'on aurait tendance à aujourd'hui occulter, envahis par la bienpensance omniprésente. Libre à vous d'en conclure ce que vous voulez; libre à vous de suivre à 100 % l'auteure, de réfuter ses idées ou de faire votre petit chocolat.
Pour revenir rapidement sur l'écriture et l'histoire, le livre est plutôt bien construit. Certains passages un peu long sont cassés par des évènements marquants. Même si l'histoire est aujourd'hui très connue, et que le déroulé sera donc rarement surprenant, le livre se lit assez facilement si ce n'est les 200 dernières pages (qui contiennent le fameux discours) qui sont un peu pénibles. Parmi les poncifs de l'auteure, on notera sa capacité à décrire bien trop longuement la beauté de certains personnages et la capacité qu'elle leur prête à toujours tout comprendre dans un regard.
Une petite citation marquante du livre pour conclure :
"Il pensa à toutes les espèces vivantes qui apprennent à leurs petits à assurer leur subsistance; aux chats qui apprennent à chasser à leurs chatons : aux oiseaux qui apprennent à voler à leurs oisillons, au prix de nombreux efforts... Et pourtant, l'homme, qui n'a pour survivre que sa faculté de penser, manque à son devoir d'apprendre à penser à ses enfants."