Le capitalisme épuise deux choses disait Karl Marx : les travailleurs et la nature.
Dans la nécessaire édification d'une véritable histoire de notre société, l'ouvrage de Thomson, immense historien des classes populaires, est une pierre de toute première qualité.
A l'heure où les forêts sont de plus en plus victimes de nos modes de vies, qu'elles soient broyées sous les appétits voraces des grandes compagnies qui veulent s'approprier les terres et/ou le sous-sol qu'elles recouvrent pour prolonger la production des énergies et autre produits que nous ne cessons de consommer, ou qu'elles partent en fumée dans des proportions de plus en plus catastrophiques sous les effets d'un dérèglement climatique que la première cause a créé, Thomson nous rappelle l'usage « commun » de ce bien que la nature nous offre et qui permettait aux plus humbles d'y trouver de quoi vivre ; et (même si ce n'est pas son sujet) aux forêts de subsister.
Mais les vrais terroristes, les rapaces, les vampires assoiffés d'or et de pouvoir, en ce XVIIIe siècle souvent associé au siècle des Lumières et de l'avènement du progrès ou de la raison, entreprirent d'exproprier de leurs droits ancestraux ces gueux qui voudraient ne rien devoir à leurs maîtres, qui pensent avoir, parce qu'ils sont hommes (paraît-il) un droit à l'autonomie.
Les Blacks, « habitants de la forêt, armés, qui imposaient par la force la définition des droits à laquelle le peuple des campagnes avait été habitué, et qui résistaient à la mise en place des clôtures menaçant leur libre utilisation des terres cultivées, des sources de chauffage et de pâturages », véritables maquisards à en lutte contre la dépossession des communs forestiers, aussi héroïques furent-ils, n'y changeront rien : le droit, dont on mesure ici à quel point il est un appareil au service des intérêts d'une classe de puissants, la propagande (déjà maîtrisée, d'autant plus que ce sont les mêmes qui détiennent les moyens d'information et imposent leur idéologie trompeuse) et une chasse à l'homme sans merci sauront mettre un terme à cette résistance. Et tout ça pour quoi ?
La guerre des forêts c'est l'illustration parfaite de cette entreprise d'appropriation immorale du monde par les seuls véritables voyous, pour en faire un enfer.