On peut toujours compter sur Joyce Carol Oates pour troubler son lecteur et l'entraîner dans des contrées mystérieuses et inconnues. Et "La légende de Bloodsmoor" ne fait pas exception à la règle.
On peut aussi toujours compter sur Joyce Carol Oates pour faire naître la malaise et pour créer une ambiance à nulle autre pareille. Et "La légende de Bloodsmoor" ne fait pas exception à la règle.
Un peu à l'image du démarrage de cet avis, l'écriture de Joyce Carol Oates - que j'affectionne tout particulièrement - peut se faire un peu répétitive, d'autant qu'elle use volontiers comme ici d'une narration déstructurée sur le plan temporel, ce qui donne un beau puzzle d'art à 2000 pièces. Ca tombe bien, ce sont mes préférés.
M. et Mme Zinn ont cinq filles, dont l'une est adoptée. Ils ne sont pas dans un bateau mais dans un château en Pennsylvanie. Courant sur vingt ans, pendant la seconde moitié du XIXème siècle, la chronique bourgeoise de leur foyer va occuper les quelques 700 pages de ce roman à tendance fantastique qui explorera notamment avec talent le domaine du spiritisme, un sujet qui personnellement me met mal à l'aise et me fait courir des frissons le long de la colonne vertébrale.
Tel un hommage affiché au légendaire "Tour d'écrou" de Henry James, l'autrice brode une saga dramatique avec un sens de la description esthétique parfaitement maîtrisé - j'y vois un réel hommage cette fois à la plume d'Edith Wharton, cette autre très grande femme de lettres américaine.
Difficile de parler de ce roman, il est complexe, riche, dense et ses personnages sont multiples. A commencer par les cinq sœurs, toutes très différentes de tempérament et d'aspirations. Comme elle en a l'habitude, Joyce Carol Oates utilise ses protagonistes pour dévoiler, explorer et tenter d'expliquer les mœurs américaines. "La légende de Bloodsmoor" est un remarquable exercice stylistique dans la veine gothique dont les éléments fantastiques constituent seulement la partie émergée de l'iceberg.
Une chose est sûre, je peux compter sur Joyce Carol Oates pour m'étonner et me fasciner encore et toujours.