Quelque part en Scanie, bout de terre appartenant au royaume du Danemark, mais aujourd'hui suédoise, une jeune fille de 12 ans, Sigrid Thorgeisdottir, fille de Thorgeir, jarl de la région côtière, entend devenir la première femme jarl. La décision du chef de faire de son aînée son héritière, en dépit des traditions et des contestations de son entourage, ne se fera pas sans heurt, mais le veuf de femme et de fils entend bien faire comme bon lui semble. Néanmoins, quand le poisson se fait rare, que des pêcheurs habiles disparaissent et que la famine guète, Thorgeir se retrouve acculé et contraint de faire un sacrifice ultime, puisque les Dieux d'Asgard aussi semblent les ignorer: Faire don de sa vie, afin de plaider sa cause auprès d'Odin et ses Ases. Devant la forte pression qui pèse sur son père aux heures désormais comptées, Sigrid ne peut accepter la situation. Quand elle tente de plaider sa cause après de Njörd, Dieux des mers, cela a faillit virer au drame, n'eut été la présence de son comparse Kjari, fils sans père à l'âme poétique et aux rêves prophétiques qui a une ascendance magique. Elle apprend par la bouche du malveillant Dieu qu'une terrible créature habite maintenant leurs eaux et est source de leurs malheurs. Ensemble, Sigrid et Kjari élaborent une dangereuse, mais audacieuse escapade à Asgard afin d'aller chercher une arme susceptible de terrasser le mal qui porte désormais un nom: Le kraken.
Un peu à la manière de "Olympe de Roquedor", il m'a semblé que pour une fille courageuse et féroce personnage avide de reconnaissance, Sigrid manquait de viande. Comme Olympe, elle a besoin d'un garçon pour l'épauler dans sa quête et lui sauver la vie, comme Olympe, elle parle beaucoup, se montre bourrue même, mais manque de sang froid. Elle a en outre beaucoup de suffisance pour quelqu'un qui dépend autant des hommes. Bon, je me sens sévère, elle a toujours ben juste 12 ans, pas 16 comme cette gourde d'Olympe et au moins, elle, elle sait se battre avec son arme comme il faut!
Je dirais donc qu'il y aurait eu matière à en faire un personnage plus "forte", pas en lui faisait aboyer contre les autres et pas en lui permettant de se montrer supérieure aux autres parce qu'elle est fille de chef. Les femmes qui sont réellement devenue des cheffes dans des contextes pourris par le machisme patriarcal et le concept de virilité à la con, le sont devenues parce qu'elles étaient très intelligentes, rusées, habiles diplomates ou encore guerrières rassembleuses. Pas en étant des brutes gueulardes et snob. J'aimerais bien que les autrices réalisent que les femmes et les filles fortes ne sont pas de simples version sans testicules de mâles orgueilleux incapables de reconnaitre la valeur des autres - Sigrid était une amie fort questionnable avec Kjari, qui était certes agaçant, mais qui ne méritait pas le mépris de sa part. En fait, les femmes et les filles fortes savent se hisser au-dessus de ces vieux concepts stupides, elles montrent qu'elles ont des forces à offrir et savent autant reconnaitre de l'estime pour autrui que pour elles-même. Sigrid a plusieurs fois montrer du mépris au mauvais personnage et a figé dans certains moments importants, c'est donc un peu difficile de croire qu'elle s'en sort si facilement, surtout avec l'aide d'un personnage hautement improbable.
Attention, divulgâches à venir.
Bon déjà, que Loki soit au cœur de tout ça est en soi convenu. Il a le dos large ce Dieu de la ruse, je l'ai croisé dans presque tous les romans avec des vikings. Simple constat, ça n’enlève rien à l'histoire. L'aide du Père-De-Toute-Chose-Odin, par contre, ça j'ai trouvé ça prodigieusement tiré par les cheveux. LE Dieu des dieux, LE grand patron qui voit tout, ce monsieur barbu là, qui daigne cacher sous ses jupes une petite mortelle venue lui piqué sa divine lance? Et venir prendre sa défende ensuite devant moult vikings mâles en plus? Ah ben la chanceuse! Bon, peut-être qu'il s'ennuyait ou que ça l'amusait, mais plutôt que de venir en aide à une petite demoiselle, ç'eut été plus logique de juste embrocher le vilain kraken que ladite demoiselle a pu embrocher avec la lance divine en question? Ou passer un colossal savon à Njord? Non? Je sais pas trop, mais ce qui m'agace est le fait que sans Odin-Père-Incontestable-Lance-Divine-Sauveur-Des-Ados, Sigrid ne serait pas parvenue par elle-même à ses fins, déjà qu'elle dépendait de Kjari pour survivre en terres Asgardiennes et ne pas mourir noyée. Au final, sans une chance insolente et de puissants alliés, en quoi est-elle réellement différentes des ados mâles de son âge? Ah, elle a beaucoup de caractère, c'est sur et elle a de la volonté, c'est sur. Mais ça n'a pas suffit.
Je me dis, un peu comme pour Olympe de Roquedor, que c'est mieux que rien. Au moins, on a un personnage féminin qui n'est pas une idiote - quoique pas super habile dans ses relations interpersonnelles - et qui arrive à faire des choses avec courage. Elle ne tombe pas stupidement amoureuse à la première belle gueule, ça c'est super aussi. Sauf que je ne suis pas convaincue par ce personnage, qui semblait se profiler comme Mérida, dans "Brave", surtout avec cette même tignasse bouclée rousse, mais Mérida a fait une grande part de son chemin autant intérieurement qu’extérieurement, en recollant des morceaux avec sa mère et faisant acte d'humilité. Elle est ainsi devenue une femme assumant ses responsabilités, consciente de ses actes et faisait donc d'elle une réelle "Reine" plus sage et plus humble. Sigrid le fait en partie, au moins en reconnaissant la contribution de Kjari, mais honnêtement, le contraire aurait été purement incohérent. Surtout, si son courage est indéniable, c'est le fait que Odin est intervenu qui change la donne. Comment contester le Dieu des Dieux qui vient vous dire que "v'là votre future reine, mortels, tremblez!", je paraphrase. Ce qui est malheureux dans ce genre de tournure, c'est que peu importe ce que fera Sigrid, le fait est que la bénédiction d'Odin la place en Intouchable. Ce n'est donc pas tant pour ses qualités qu'elle sera reconnue, mais pour avoir été désignée par un autre Gros Mâle alpha blanc tout puissant. Désolée, Odin, mais c'est ça qui est ça.
Il aurait pu être plus subtil, de manière à ce que les gens réalisent pleinement la mesure de ce que Sigrid a été prête à faire pour sauver les siens et son père.
Je reconnais quand même avoir apprécié que Kjari voulait être celui qui raconte les aventures de Sigrid, à la manière d'un barde épique, devenant l'artiste sensible du duo, alors que Sigrid endosse celle qui tiens les armes et grimpe partout. Kjari est un "marmennill' une sorte d'homme sirène, ce qui est en soit assez intéressant aussi, vu le nombre astronomique de sirènes filles en comparaison et représente une créature fantastique de L'univers des dieux scandinaves que je n'avais pas encore croisée.
Dans un autre ordre d'idée, la plume est jolie, on se laisse facilement happer par les descriptions et les décors nordiques, c'est une des forces du roman, assurément. La seconde partie est cependant un peu mal équilibrée, expéditive par rapport aux premiers chapitres, plus posés.
Je pense , malgré mes nombreuses réflexions pas forcément encourageantes, que ça reste un bon roman d'aventure avec ses accents vikings et ses Dieux scandinaves, et quand je vois comment j'ai encore trop de parents qui pensent que les garçons ne jurent que par des personnages masculins, alors que les filles se laissent tenter autant par les garçons que par les filles en matière de héros/héroïnes, je me dis que ça reste un roman pertinent pour déconstruire tout ça. Ce n'est pas le récit le plus adroit, ni le personnage féminin la plus inspirante, mais au moins elle ne présente pas les travers des vieux archétypes inventés par le patriarcat qui en ont fait des imbéciles amoureuses dépendantes aussi dociles que fragiles, ce que n'est pas Sigrid, aucunement. Elle est même moins agaçante qu'Olympe, qui devait en principe faire le même effet. Je lui aurait souhaité une personnalité plus près de celle de la princesse écossaise Mérida de Dun Broch ou encore de Lagerta ( de la série Vikings, une Reine avec un grand "R". Un personnalité qui laisse réellement présager son avenir de première jarl.
À voir.
Pour un lectorat intermédiaire du troisième cycle primaire, 10-12 ans+