Dans une piscine (associative, municipale, privée, semi-publique?) souterraine, en tout cas, dans une piscine, donc, nagent des gens. Ils se connaissent sans se parler, ce sont des habitués depuis longtemps. Ils respectent les règles du lieu et les petites manies de chacun. Parmi eux, il y a Alice. Elle oublie des choses, Alice : son manteau, comment on entre ou quel habit on doit mettre. Parfois même, elle oublie de venir nager. Mais quand elle est dans l'eau, tout glisse. Les souvenirs reviennent, elle se souvient. La vie à la piscine, réglée comme du papier à musique, ça la cadre. Et l'eau chlorée, c'est chez elle.
Et puis, un jour, une fissure apparaît dans le fond de la piscine. Peut-être est-ce la fissure dans la mémoire d'Alice ? En tout cas, la piscine ferme. Et Alice s'enfonce un peu plus dans la maladie, au point de rejoindre la résidence Belvista (je crois), une résidence spécialisée pour les personnes atteintes de troubles de la mémoire.
Le livre semble raconté par les lieux : la piscine d'abord, où tout est narré du point de vue d'un nageur sans que l'on sache qui. ll y a du "on" à la pelle et, personnellement, je crois bien avoir entendu une phrase clapoter. J'en suis sûr maintenant, c'est la piscine qui parle. La résidence ensuite, qui déroule ses règles et les habitudes de ses occupants, passagers forcément.
Difficile de faire un roman sur les troubles de la mémoire sans tomber dans le pathos, voire même le pathétique. Je crois que Julie Otsuka tient pourtant là un pari réussit : on a envie de serrer Alice dans nos bras, d'avoir un mot gentil pour son mari prévenant et sa fille qui se sent tellement coupable (l'autrice, en fait). On a envie de sauver la piscine de sa fermeture et de faire quelque chose pour la résidence. Quoi ? On ne sait pas. Il n'y a rien à faire, finalement. Ou peut-être tant à faire ?
Le roman est fini, mais l'odeur de chlore et de chou cuit perdure, comme dans un souvenir qui s'effiloche. Merci pour ce drôle de roman au cœur bouilli mais palpitant.