La Maison des Mères est la suite directe des Hérétiques de Dune. L'action se passe majoritairement sur la planète du Chapitre, nouveau siège du Bene Gesserit, sous la menace constante des Honorées Matriarches. C'est aussi le dernier roman du cycle publié par Frank Herbert, qui décédera un an plus tard.


Je ne m'attendais pas à sortir de cette relecture avec un sentiment mitigé. Dans mon souvenir, c'était l'un des tous meilleurs romans de la saga, mais je lui trouve désormais des faiblesses. Les personnages, tout d'abord : la qualité des constructions romanesques étaient l'un des points forts de Herbert ; j'ai un peu le sentiment qu'il tombe désormais dans la caricature. Bellonda, le bras droit de la Mère Supérieure Odrade, râle tout le temps, rechigne sur tout, et ...est grosse. Forcément. Le pire cliché de la vieille fille acariâtre, en somme. Et à l'opposé de tout ce que Herbert avait jusque-là décrit sur le Bene Gesserit, porté par sa maîtrise absolue de tous les sentiments humains. Les Honorées Matriarches, quant à elles, sont toutes viles, méchantes, idiotes. La répétition des clichés les plus simplistes finit par agacer le lecteur. Et déçoit ; Herbert nous avait habitués à mieux.


Le scénario du roman me laisse tout aussi sceptique. La reddition des Honorées Matriarches, qui pourtant avaient jusque-là renversé des dizaines de mondes et acculé le Bene Gesserit dans ses derniers retranchements me semblent un raccourci bien facile. Murbella, l'Honorée Matriarche captive de Duncan Idaho, a mis des années à devenir une réelle Révérende Mère ; il semble que pour ses congénères, il y ait beaucoup moins de souci. Bizarre...


Enfin, l'univers du roman a considérablement rétréci. Le Bene Gesserit est sensé compter des millions de membres, on a ici l'impression que seules 3 ou 4 personnes le font tourner. Une petite nouvelle (Sibia) prend du galon en quelques semaines, alors qu'il doit y avoir autour des milliers de Révérendes Mères infiniment plus capables... J'ai ressenti comme un malaise, comme si Herbert ne parvenait plus à maîtriser l'énorme monstre qu'il avait créé tout au long du cycle.


Plusieurs choses, cependant, sauvent le roman. Le lecteur, arrivé à ce point du cycle, adhère totalement à l'univers créé par Herbert ; et les quelques défauts qui finissent par surgir peuvent facilement passer inaperçus, occultés par le désir légitime de connaître la suite de l'histoire. Il nous a déjà conquis à sa cause depuis longtemps, avec toutes les merveilles qu'il nous a proposées pendant 2500 pages, et le désavouer à ce stade serait presque de l'ingratitude. On ne boude donc pas son plaisir avec ce dernier opus, soyons honnêtes. Ensuite, Herbert est un expert dans l'art de maintenir l'intérêt du lecteur avec des éléments mystérieux. Le point fort de ce roman, et peut-être aussi ce qu'on en retient avec le temps, est l'ébauche intrigante des ennemis que fuient les Honorées Matriarches, Daniel et Marty, dont la candeur ne peut que cacher une cruauté redoutable. Herbert préparait déjà le roman suivant, qui ne paraîtra jamais, et il l'a fait parfaitement, au point de créer l'un des cliffhanger les plus magnifiques et les plus frustrants de toute l'histoire de la Littérature.


Avec ce roman, Herbert signait sans le savoir son testament. Depuis, son fils nous a expliqué qui étaient ces deux jardiniers apparemment innocents, avec plus ou moins de bonheur. Je ne relirai pas cette conclusion apportée au cycle, une seule séance de torture me suffit, subie au moment de la sortie des Chasseurs de Dune et du Triomphe de Dune. Je préfère rester sur l'image d'un Frank Herbert qui s'est retiré avec une classe infinie : se mettre lui-même en scène aux côtés de sa défunte épouse (car tout le monde est d'accord pour dire que Daniel et Marty sont construits à leur image), dans le dernier chapitre qu'il écrira sur Dune. Il rejoint ainsi le monde qu'il a créé avec une élégance rare, devient lui-même figure romanesque. Certes, la symphonie est inachevée ; mais chapeau et merci l'Artiste !

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le 15 janv. 2016

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