Cette nouvelle qui ouvre La Comédie Humaine est, osons le mot, un petit bijou. L'air de rien, d'abord superficielle, elle est d'une grande profondeur et d'une redoutable limpidité, actionnant tous les leviers de la véracité.
Non aguerri à ces phrases du passé qui devaient être familières aux lecteurs de l'époque, longues, complexes et élégantes, il fallait parfois m'y reprendre à deux fois pour en démêler le sublime sens. J'en tire comme réflexion que trop de littératures modernes ont ramolli mes sens cognitifs, m'ont passablement abruti. Se concentrer sur une phrase fuselée pour traverser les nuages du ciel cérébral ne devrait pas être un effort.
Le recul qu'entretient Balzac avec ses personnages, tout en développant une morale éternelle, est l'apanage d'un maître qui garde distance pour mieux affirmer ses observations de la vie.
La maison du chat qui pelote est avant tout une vieille enseigne, une draperie du fond des âges dont les propriétaires, les Guillaume, laisseront leur fille Augustine épouser un peintre aristocrate après avoir été les témoins de l'amour véritable que cette dernière lui porte. Bien sûr ce sera la catastrophe.
L'éducation, liée à leurs différentes classes sociales, sera fatale et éloignera progressivement Augustine de Sommervieux. La diatribe que Madame Guillaume assène à l'encontre de Sommervieux après avoir découvert son caractère adultérin est proprement géniale, digne d'une grande scène de théâtre.
Pour conclure, la meilleure entrée en matière que je pouvais imaginer pour entamer La Comédie Humaine. Les déboires d'Augustine, la promptitude de Virginie et de Lebas, la tolérance contrôlée des Guillaume, la liberté cynique de Sommervieux, la compassion et les conseils de la duchesse de Carigliano, tout m'a séduit dans cette nouvelle bien ouvragée de Balzac.
Le génie patrimonial fait flamber sa première lumière, gageons que la suite brûle de la même chandelle.
Samuel d'Halescourt