La Maison Tellier par BibliOrnitho
Madame tient une maison close à Fécamp. Un débit de boisson au rez-de-chaussée, un salon plus intime au premier et des chambres au second. Avec deux entrées séparées même si un escalier intérieur permet de relier les deux mondes. Et bien entendu, la petite lanterne rouge qu’on allume au-dessus de la porte aux heures d’ouverture.
Un commerce florissant que madame a reçu par héritage. Et dont on n’a point à rougir car la haute Normandie n’est pas bégueule : il faut bien vivre.
Quand, un samedi soir, les habitués trouvent porte close : ces dames se sont rendues à une première communion. Celle de Constance, la nièce et filleule de Madame qui ne pouvait manquer cette occasion de revoir son frère. Et pour ne pas laisser les souris danser en l’absence du chat, Madame a emmené sa troupe avec elle. Quelle allure avaient ces six femmes dans le train de Rouen ! Et plus encore à la messe où toutes se sont mises à pleurer, se rappelant leur propre engagement des années plus tôt et dans une autre vie. Une piété qui fut remarquée par le prêtre lui-même. Monsieur le curé fit devant l’assistance émue l’éloge de ces « brebis d’élite », ces parangons de vertu qu’il remercia d’être venues de ci loin pour assister à la cérémonie.
A leur retour le soir même, la nouvelle de la réouverture du lupanar fit le tour de la ville en un instant et tous les familiers se précipitèrent pour une noce effrénée, sorte de bouquet final sur lequel s’achève cette honnête partie de campagne.
Un texte dans lequel la Normandie tient la vedette. La vie de province, enclavée, entre petites villes et villages. A l’opposé de la vie parisienne si souvent décrite par Balzac et Zola. Une lecture agréable et drôle.