Retour de lecture sur "La malédiction d'Edgar" de Marc Dugain, publié en 2004. Il s’agit d’un roman biographique qui raconte la vie de J.Edgar Hoover pendant toute la période où il était le directeur du FBI, soit quasiment un demi-siècle de 1924 à 1972. C’est une période qui démarre à la prohibition et s'arrête au moment du scandale du Watergate de Nixon, en passant par la deuxième guerre mondiale, Le Vietnam, l’assassinat des frères Kennedy et la mort de Marylin. Étant très intéressé par l’histoire des Etats-Unis j’étais déjà bien renseigné sur le sujet et le livre ne m’a pas appris grand chose, il existe notamment d'excellents documentaires sur le sujet. Ce livre offre par contre un point de vue tout à fait original, le roman étant présenté comme les mémoires écrites par Clyde Tolson, numéro 2 du FBI, le plus proche collaborateur de Hoover et son amant supposé toutes ces années. Dugain prévient son lecteur d’entrée en précisant que le manuscrit de Tolson, qui est à la base de ce roman, est peut-être un faux. Mais cela n’a que très peu d’importance, cela rappelle que c’est avant tout un roman, le but étant de pouvoir raconter cela de l’intérieur, par les protagonistes eux-mêmes, puisque Tolson était considéré comme l'alter-égo de Hoover, celui qui a droit à toutes ses confidences, celui qui sait tout. Il y a dans ce livre deux histoires qui évoluent en parallèle, celle des Etats-Unis et celle de Hoover, tout ça vu par quelqu’un qui n’est absolument pas objectif, et qui fait passer Hoover pour le gardien du temple, pour celui qui a préservé le pays de la décadence. Le procédé de Dugain est très intéressant puisqu’on a ainsi accès au plus près, à tout le côté sombre de cette période, aux détails de toutes les magouilles, des luttes de pouvoir, et de la vie cachée souvent hallucinante des dirigeants de ce pays, notamment des Kennedy, père et fils. Hoover était le premier flic du pays, mais il était surtout celui qui s’arroge tous les droits pour la bonne cause en mettant sur écoute tout ce qui, de près ou loin, menace ses intérêts ou ses idéaux : noirs, communistes, politiciens, artistes, homosexuels (oui, aussi)… À travers le témoignage de Tolson on a accès à toutes les informations ainsi qu’à l’analyse et aux réactions de Hoover. On a forcément un portrait de Hoover qui dénote par rapport à ce que l’on peut voir généralement dans les documentaires. Tolson étant son amant, totalement fasciné par le personnage, il n’a de cesse de justifier tous ses débordements et en ayant accès à son intimité, il peut donner une profondeur psychologique nouvelle au personnage. Le roman traite bien sûr des années 60, qui est la période la plus intéressante. On a là aussi une toute autre image de ces années que celle généralement véhiculée, beaucoup plus sombre et avec moins de paillettes. Elles symbolisent la fusion entre Washington et Hollywood, une époque ou les Etats-Unis donnaient une image ultra moderne et dynamique en opposition à celle de la vieille Europe ennuyeuse et épuisée suite aux guerres et à la décolonisation. Ce livre est bien sûr une simplification de l’histoire, mais il est très intéressant pour comprendre ce pays, comprendre les mentalités très différentes qui y cohabitent. Il montre à quel point ce pays a toujours été divisé et plein de paradoxes, en mettant notamment en avant la vertu, tout en arrivant à mettre au pouvoir un obsédé sexuel lié à la mafia. Il permet aussi de mieux comprendre le contexte actuel des Etats-Unis et comment ce pays est capable d’accoucher d’un énergumène comme Trump. Le livre est bien documenté sans aller trop loin dans les détails, c’est très bien écrit et raconté avec beaucoup d’humour, de précision et de rythme. Un livre qui, même si on sait déjà beaucoup de choses sur le sujet, reste passionnant, c’est un très bel exercice littéraire et historique.

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"Il se sait responsable en grande partie de la mort de son frère et il court à la sienne sans la moindre hésitation. Il veut se suicider dans l'honneur. Nous allons l'aider. Nous lui offrons une fin digne de ces tragédies grecques dont il s'est toujours vanté d'être un fervent amateur. Dans l'orchestration de sa mort, personne ne joue de partition dissonante. Et lui moins que tout autre ?"

Daniel_Sandner
8
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le 22 juil. 2024

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Daniel SANDNER

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