Para-Site au Sens Strict et au Sens Large : Liaisons à géométrie variable
Ce livre, collaboration entre une chercheuse et un journaliste, nous raconte à travers des histoires de petites et grosses bêtes, le monde des parasites et parasités.
Du Coucou (parasitisme de ponte - il pond dans le nid des autres), aux vers, virus, bactéries, microbes, insectes, mollusques et crustacés…sur la place abandonnés.
Il explore au-delà des querelles de terminologie l'ensemble du monde parasite au sens large. Comment ils exploitent durablement d'autres êtres vivants, quelles sont leurs armes et stratégies, comment ils parviennent à occuper le territoire ennemi, par quels jeux comportementaux ils arrivent à accomplir leur cycle et à provoquer des rencontres improbables. Quelles sont ces toxines ou particules virales qu'ils produisent eux-mêmes pour affaiblir ou tuer l'ennemi…
Voilà quelques réponses que ce livre nous propose.
Donc ça c'est le résumé. Après ce ne sont que de menus détails^^
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Au sens large !
Les informations culturelles, circulent constamment entre les hommes, grâce à toutes les formes du langage.
Ces échanges n'influent pas directement sur nos gènes mais dès que l'on change d'échelle, la constance du génétique n'est qu'une illusion.
Parce que si nous sommes sujet aux mutations, nos échangent génétique se limitent à ceux de notre espèce.
Les parasites eux sont toujours prêts à échanger un morceau d'ADN avec tout le monde. Enfin des hôtes qu'ils auront choisis pour une exploitation optimale.
Jusqu'à ce que l'hôte développe à l'insu du parasite un système de défense pour leurrer celui-ci et ainsi renverser la donne. Les hôtes évoluent, les pathogènes aussi. Et vice versa !
Cet affrontement sans fin rappelle la course aux armement que se livraient les Etats-Unis et L'URSS durant la guerre froide.[P.S. la variole, éradiqué, est conservée précieusement dans des laboratoires. Officiellement au centre de contrôle des maladies d'Atlanta (Etats-Unis) et au centre de recherche de Novossibirsk (Russie). Difficile de savoir si d'autre pays l'ont conservé et surtout dans quels buts (!) La variole est considérée comme la principale menace bioterroriste.]
Mais dans cette biodiversité même si on ne fait pas l'amour ensemble, on peut discuter parce que rien n'interdit les dialogues moléculaires au hasard des rencontres. De telle sorte que le minuscule toxoplasme peut donner des ordres à l'énorme mammifère, homme compris.
De tels dialogues ne signifient pas qu'il s'agisse là d'altruisme. Bien au contraire, chacun joue pour lui-même.
Les populations d'agents pathogènes comptent souvent quelques individus qui évoluent rapidement : les mutants. Et lorsque les mutations sont milles fois plus rapide que la norme, notre capacité à nous défendre reste terriblement lente. Surtout quand la résistance des parasites et leurs mutations ont lieu derrière notre dos (ou sur) de manière particulièrement virulente, versatile mais surtout invisible. Les hybrides sont déjà là sans que nous en ayons forcément connaissance.
Au final, on est donc confronté à cette compétition typique de l'évolution, qui aboutit soit à une domination permanente soit à un rapprochement harmonieux.
Le succès évolutif semble parfois, il faut donc le noter, une application directe de l'adage " l'union fait la force ".
Prenons l'exemple d'une union à plusieurs.
Une fourmi (Attine) vit en symbiose avec un champignon qu'elle cultive et qui est parasité par un champignon pathogène que la fourmi élimine grâce aux antifongiques produits par une levure en symbiose avec sa bactérie symbiotique ! Vous suivez ? (Parce que c'est quand même plus simple et moins retors que certaines alliances dans les guerres, basées sur "Je promets de ne pas trahir les ennemis des amis des traîtres à mes ennemis").
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Aliène-moi !
Le machiavélisme du parasite est admirable.
Son cycle de vie implique souvent des hôtes très différents vivant dans des milieux eux aussi différents, terre, air, eau. Cela complique sérieusement le passage de l'un à l'autre. Le meilleur moyen d'opérer ce transfert est donc de manipuler le comportement de son hôte, soit pour le rapprocher de l'hôte suivant, soit l'attirer.
Ces parasites spécialistes de la manipulation vont jusqu'à "reconfigurer" leur hôte sexuellement, le stériliser ou le castrer en manipulant son développement embryonnaire par exemple. Il peut transformer un flagellé marin prédateur en un "être" photosynthétique !
Mais surtout ils peuvent pousser leurs hôtes jusqu'à la folie, voire jusqu'au suicide.
Pour y parvenir certains changent sans cesse de signature chimique pour infiltrer, déstabiliser et subordonner la société d'une autre espèce. C'est le cas de certaines guêpes. Pas folles elles !
Quelques exemples :
Le parasite s'empare des commandes de son hôte :
En lui injectant des substances chimiques.
Plesiometa argyra est une petite araignée réputée pour la beauté (de notre point de vue évidemment) de ses toiles circulaires qu'elle tisse entre les feuillages. Cependant une fois parasité par la larve de la guêpe femelle Hymenoe pimecis, l'araignée se met à fabriquer une toile aussi moche que rabougrie mais extrêmement solide, idéale pour supporter le futur cocon de la guêpe. Et une fois cette toile tissée, la larve de la guêpe mue, puis tue l'araignée et la dévore.
Le parasite s'empare des commandes de son hôte :
En s'installant dans le centre névralgique.
Ce que fait si bien le ver parasite, nommé Microphallus Papillorobustus. Si ce ver est effectivement pourvu d'appendices sexuels des plus modestes, il est, en revanche, doté d'un grand pouvoir, celui de manipuler son hôte, dénommé à son contact, le gammare fou ! (ce sont de petites crevettes). Il lui fait exécuter une danse de saint-Guy à la surface de l'eau afin d'attirer l'attention des oiseaux – qui deviendront son hôte suivant.
Le parasite s'empare des commandes de son hôte :
En modifiant son odeur.
L'agent du Paludisme indique au moustique où se trouve l'enfant porteur du stade infestant.
Ces stratégies ne sont rien moins que celles utilisées par nous-même dans nos systèmes en temps de guerre ou dans celle menée au quotidien de nos vies pour une prise de pouvoir, pour obtenir des faveurs sexuelles ou pour échapper à une situation dangereuse.
Et si parfois la manipulation neurophysiologique reste obscure, certaines stratégies comme celles des virus, sont connues.
Afin de ne pas être détecté par la réponse immune le virus :
Stratégie 1 : réduit sa multiplication en se mettant en latence pour éviter la réponse immunitaire. Cette tactique n'est utilisée que de façon partielle ou transitoire.
Stratégie 2 : change en permanence de forme et ainsi retarde les délais de mise en route de la réponse immune.
Stratégie 3 : assure son invisibilité par rapport au système immunitaire. Il peut, par exemple, perturber les processus de reconnaissance des protéines étrangères. Ou, mieux, prendre l'aspect des protéines de l'organisme.
Au cours de l'évolution certains insectes auraient même intégrés des gènes viraux, pour "exporter" des gènes - parfois pour infecter. Le virus dans ce cas se trouverait fabriqués par des insectes, de quoi remettre en question la notion de son identité !
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Ce livre est finalement un condensé :
Du Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens, de l'art de la guerre, d'un art du transformisme, d'une guerre des genres, de La Théorie des Jeux, du Dilemme du Prisonnier. Il est à la fois "Alien", "Attrape-moi si tu peux", "La Piel que Habito" et les perspectives dans les VS Homme-Virus hybride (mi-cochon mi-poulet etc…) ne sont pas particulièrement réjouissantes. Et puis où va le monde et ses repères quand Jerry se met à courrir après Tom (http://www.larecherche.fr/actualite/aussi/parasite-pousse-rats-gueule-chats-31-08-2011-67567).
Difficile encore une fois d'établir des frontières claires et nettes, dans un monde où chaque année les explorateurs du vivant engrangent des faits nouveaux et inattendus. Le vivant ne cesse de tester les limites et de les faire reculer. Il devient difficile parfois de discerner où commence le mutualisme et où finit le parasitisme, certainement pas dans la mort car même ces frontières sont aujourd'hui repensées. Les définitions changent. Les identités sont remises en cause face aux constantes découvertes.
Et si les virus informatique mutants polymorphes n'étaient plus si éloignés des virus du monde du vivant (virus considéré il y a peu de temps encore comme appartenant au monde de l'inerte – dans combien de temps l'intelligence artificielle ira rejoindre le monde des vivants – cela dépendra certainement des définitions que l'on en donnera !).
Le choix pédagogique et ludique, via un anthropomorphisme parfois limite mais si drôle, rend ce livre très accessible tout en donnant de réelles explications détaillées et instructives. Je regrette cependant la répétition de phrases et d'idées successives presque à l'identique certainement pour une meilleure assimilation et compréhension.
Je devine que le mutualisme journaliste – scientifique n'a pas dû tout le temps satisfaire la scientifique. Rendre la science "sexy" pour une première rencontre est un atout majeur, reste à voir si elle peut donner envie d'aller plus loin si affinités pour un quotidien parfois plus aride.