La Marquise de Gange par Eggdoll
Sade a un style. Le nier, c'est se limiter à ses oeuvres les plus crues et si célèbres. Style cru, donc, mais aussi pompeux, et enlevé.
Enlevé, car Sade a de vrais talents littéraires dignes des grands romantiques ; car dans ce roman tout tourbillonne, se succède de manière impromptue et avec brio -et l'on passe du registre du style à celui du fond, en fait. Bien que La Marquise de Gange soit adaptée de faits réels, on ne peut qu'être impressionné par ce qu'en fait Sade.
Le pompeux quant à lui, sert tout le tragique de l'oeuvre : et l'écrivain ne s'en prive pas, commençant très fort, en insistant sur le destin désastreux de la marquise à travers des envolées lyriques de plus ou moins bon goût... J'avoue que cette insistance me pousse à voir l'oeuvre comme une parodie du genre plus que comme une tentative d'accéder à la reconnaissance. De plus, comme dans Les Crimes de l'amour, Sade défend ce qu'a priori il ne croit pas, et avec beaucoup (plus ?) d'adresse : si bien qu'on hésite entre parodie et changement profond de personnalité. Mais évidemment, il nous reste l'apologie dissimulée de la décadence -qui fait par certains aspects penser aux Liaisons dangereuses, avec un dénouement proche-, présente pour nous conforter dans les affections de Sade.
La "morale" de l'histoire ? Il nous la précise dans une note : elle se situe dans une citation d'Euphrasie, "Et voilà donc où la plus légère imprudence peut entraîner une honnête femme !". Et voilà donc le récit des malheurs de la plus vertueuse des marquises (spoil inside), bien plus qu'une Tourvel.
Pour résumer : une oeuvre très bien menée, très prenante passées les 30 premières pages un peu trop tragi-comiques, très originale et très bien écrite. Que demander de plus ? Sans doute à lire quand on ne connaît Sade que pour ses écrits les plus scandaleux -que je n'aime pas moins ceci dit !