Sixième roman de l’écrivain Steve Erickson paru en 1999, "The sea came in at midnight", est ancré dans cette atmosphère de fin de millénaire, dans laquelle les fantasmes apocalyptiques et les catastrophes amplifiés par les medias font caisse de résonance aux drames individuels et familiaux.

Voici un avant-goût de l’intrigue, à ses débuts : Kristin, à dix-sept ans, s’est enfuie de chez elle pour retrouver sa capacité à rêver. Se retrouvant par hasard prise dans la horde d’une secte millénariste et suicidaire, elle n’a pas voulu être la deux-millième à sauter de la falaise en ces dernières secondes de l’année 1999. Alors, elle s’est enfuie et, ballottée dans les travées d’un destin incertain, elle se coule dans le rôle d’objet sexuel consentant pour un homme qui a passablement perdu les pédales. On la retrouve « memory girl » à Tokyo, fille de joie récoltant et partageant des souvenirs avec des hommes japonais, dans un pays qui tente de se remplir des souvenirs de l’occident après la destruction de leur passé dans les cendres du XXème siècle.

Ensuite, toujours à la frontière du fantastique et de la folie, la narration glisse d’un personnage à un autre, êtres humains en quête d’identité dans un monde vide de son sens, tels des enfants perdus poursuivant des chimères dans le chaos de la vie et de la mémoire qui s’enfuit. On se perd facilement dans les chemins tortueux de ce récit aux multiples intersections et où tout finit par se recouper. Un puzzle un peu vertigineux qu’il faudrait sans doute relire si l’on veut assembler toutes les pièces. Mais je vais sans doute passer à autre chose…

«C’était quand elle avait commencé à aller au jardin d’enfants qu’il s’était mis à accrocher tous les matins une pancarte à sa porte, avec un simple mot. Au début, c’était un jeu pour elle d’aller tout excitée au réveil voir ce qui l’attendait. Ce mot quotidien fut d’abord un reflet des attentes et des aspirations de son père, avec les premiers mots d’anglais qu’il s’était attribués lors de son expatriation du Japon aux Etats-Unis : EXCELLENCE, AMBITION, DÉTERMINATION, SUCCÈS. Mais, les années passant, le mot sur la porte se mit à suivre de près à la fois sa chute de fillette dans les vulgarités de l’adolescence et la détérioration constante et mesurée de son approbation, stigmatisant sa vie selon ses manquements : DÉCEPTION, PARESSE, STUPIDITÉ. ÉCHEC.»
MarianneL
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le 15 mai 2013

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