Les eaux troubles de l'identité
Dans ce livre en partie autobiographique (jusque dans quelle mesure je n'ai pas trouvé la réponse) la jeune autrice nous conte l'histoire de Nili, jeune fille née de l'union éphémère d'une mère...
il y a 4 jours
Dans ce livre en partie autobiographique (jusque dans quelle mesure je n'ai pas trouvé la réponse) la jeune autrice nous conte l'histoire de Nili, jeune fille née de l'union éphémère d'une mère roumaine et d'un père congolais. L'intrigue se déroule entre la Roumanie post-Ceaușescu où Nili grandit, Paris où elle poursuit ses études, et la République démocratique du Congo où elle part à la recherche de ses racines paternelles et finit par donner naissance à son enfant.
Dans une langue riche et imagée, Annie Lulu raconte le métissage, le racisme, le déracinement, la quête identitaire, mais aussi l'idéalisation des racines perdues et la mythification de son histoire personnelle. Elle décrit l'enfance et l'adolescence roumaine de son alter ego littéraire, ainsi que les maux qui les ont accompagnées avec des mots justes et lucides. Nili grandit à Bucarest auprès d'une mère professeure de lettres qui l'élève seule, dans la honte et à l'abri des regards, suite au départ de son père congolais après la révolution roumaine de 1989.
Tantôt acerbe, tantôt ironique, tantôt émerveillée, l'autrice nous relate la violence de sa jeunesse en Roumanie, où son métissage fait d'elle l'objet d'un racisme brutal. Elle nous raconte ensuite les rencontres décisives qu'elle fera à Paris lors de ses études, notamment dans le quartier de Château-Rouge où elle retrouve la trace de son père. Enfin, elle dépeint son émerveillement lorsqu'elle découvre le Congo paternel, mais sans taire ses mésaventures avec les autorités congolaises.
L'ouvrage est dense, ambitieux, il bouillonne d'émotions parfois contradictoires, et on a l'impression qu'Annie Lulu aurait dû s'accorder cent ou deux cents pages de plus pour exprimer tout ce qu'elle avait à dire. Le récit est rythmé par les lettres du père de Nili, qui inscrivent le parcours du personnage dans un contexte historique et politique plus large, évoquant tant la Roumanie de Ceaușescu que les troubles politiques congolais.
Un premier roman autobiographique donc, pourtant déjà mature malgré un certain ressentiment vis-à-vis du vieux continent ("le monde pourri") mais qu'on aura du mal à lui reprocher au regard de ce qu'elle y a vécu. Le Congo idéalisé, malgré ses inégalités, sa corruption et sa violence, semble seul capable de donner du sens à la nouvelle vie de la jeune protagoniste, qui s'engage auprès des militants de la Lucha pour la justice sociale.
À travers son récit, Annie Lulu nous montre comment se construire une identité à partir d'héritages fragmentés, comment réconcilier des mondes que tout semble opposer. Sa langue emprunte tant au roumain qu'au lingala, s'inspirant des traditions littéraires européennes et africaines pour forger un style singulier.
Quand la greffe ne prend pas, il est toujours tentant d'envisager un retour au terreau d'origine. Pour quel résultat ? Les prochains romans de cette jeune et prometteuse écrivaine nous le diront peut-être, mais une chose est certaine : une voix littéraire originale et touchante s'est faite entendre.
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il y a 4 jours
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