La Métamorphose
7.5
La Métamorphose

livre de Franz Kafka (1915)

La Métamorphose est une courte nouvelle rédigée par Franz Kafka, un texte qui traite de la stigmatisation et de l'exclusion d'une manière métaphorique, un texte où la tension règne à son paroxysme dès la première ligne. Gregor Samsa, qui sacrifia son existence en s'épuisant chaque jour au travail afin de rembourser la dette familiale, se réveille un matin métamorphosé en une sorte de coléoptère, il s'agit d'un infect insecte. C'est un choc pour cet homme dont la vie est bien rangée, lui qui n'a jamais loupé ne serait-ce qu'une journée de travail depuis plus de cinq ans, parvient toutefois à faire face à ce changement d'un sang-froid impressionnant, sans paniquer un instant, fataliste, prêt à accepter son destin "d'insecte" dès les premiers instants suivant sa transformation. S'ensuit un rejet familial, en effet sa famille préfère le marginaliser et l'enfermer, accompagné d'une réflexion très intéressante, pertinente de Kafka sur la différence.
Tantôt captivant, tantôt effrayant voire bouleversant, on ne sait jamais sur quel pied danser avec cet ouvrage. Quant à Samsa il se réveille en tentant naturellement et courageusement de s'adapter
à sa nouvelle vie, comme si cette métamorphose était aussi anodine qu'un déménagement ou un retour à la vie après une maladie. Mais ce qui est vraiment dérangeant dans ce roman c'est le regret oppressant de la famille du personnage qui n'aide pas du tout Gregor psychologiquement, elle agit violemment vis-à-vis de lui en lui empêchant d'accéder à une certaine sérénité. Le pire c'est que Samsa par le passé effectua un métier dévalorisant (représentant de commerce) pour rembourser une dette contractée par ses parents lorsqu'ils ont fait faillite. Cette culpabilisation, mêlée à l'oppression, favorise le processus d'altérité : Samsa se sent étranger à lui-même ; il est d'ailleurs traité en étranger par sa famille, enfermé dans une chambre impersonnelle, semblable à une prison, vivant constamment dans la honte. Convaincu d'être immonde et coupable de quelque chose alors qu'il n'a rien fait, dénoncé comme responsable de tous les torts, menacé de mort, personne ne l'aime, il ne peut que se retourner contre lui-même. Au sein de la famille, Samsa pensait légitimement qu'il pouvait au moins compter sur sa sœur Grete, la seule qui semble le prendre en pitié, lui apporte à manger, s'occupe de lui. Mais chaque tentative de rapprochement avec elle se conclue par un fiasco, au point que Samsa en silence doit se rendre à l'évidence. Il n'arrive plus à communiquer avec ses semblables, il est minable. Là aussi, la métamorphose ainsi que l'enfermement effectivement sont des images sublimes mettant en évidence l'impossibilité pour le sujet de communiquer avec autrui. Enfermé dans sa chambre, il essaie en vain de comprendre ce que disent ses parents. Mais Samsa n'a plus aucune emprise sur le monde. Étranger à lui-même, étranger au sein de sa famille, il est devenu le rebut de la société. Le pire, c'est qu'il ne peut même pas dire qu'il va partir et vivre sa vie tout seul de son côté. Lui qui faisait vivre sa famille se retrouve désormais entièrement dépendant. Or sa famille ne le supporte plus, a honte de lui. Petit à petit, elle ne fait même plus attention à sa présence. Samsa est littéralement rejeté. Seule la scène où Grete joue du violon montre chez Samsa une aspiration à l'élévation de l'âme. Artiste, esthète, il ne peut que se sentir étranger dans un monde où règne le commerce et la cruauté. Relégué à l'état d'infect insecte Samsa disparaît seul, sans bruit, surtout sans gêner autrui.

Raphamira
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le 2 avr. 2022

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Raphamira

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