La mezzanine est un objet assez curieux. Unité de lieu et de temps pour la trame principale : le narrateur va acheter des lacets sur sa pause déjeuner. Le tout saupoudré de réflexions fondamentales sur le sens de la vie, avec un prisme toutefois assez précis puisque l'intégralité des divagations de notre héros concernent les objets insignifiants du quotidien.
Dans la forme ensuite, saute aux yeux du lecteur la quantité invraisemblable de notes de bas de page, et plus encore que la quantité la longueur de ces notes. Il y a quelque chose de fondamental pour le narrateur à nous expliquer le plus sérieusement du monde la disparition des serviettes en papier dans les toilettes des lieux publics ou la catastrophe que représente le passage aux pailles en plastique trop légères pour tenir au fond du verre de soda.
Cette plongée dans les matières, les couleurs, les sensations que provoquent les objets du quotidien, en particulier les produits manufacturés est impressionnante d'écriture, d'intérêt pour un sujet qui ne provoque pas nécessairement une fascination évidente, ni ne se prête à une narration passionnante.
Le récit est drôle forcément, tant l'attachement à ces petits éléments du quotidien est démesuré, même si on retrouve forcément ses propres lubies dans celles du narrateur. Au-delà de ce souci du détail, on remarque aussi à quel point le monde marchand représente presque l'intégralité des questionnements de cet employé de bureau ordinaire pendant plus calme et corseté qu'un Patrick Bateman (moins psychopathe aussi) mais avec qui on voit forcément un lien de parenté du fait de l'époque où se situe les faits.
Parce que si le récit est drôle, il est aussi glaçant dans le côté maniaque du personnage que je peux assez facilement imaginer dégoupiller à un moment comme cela arrive très régulièrement aux États-Unis. Que l'escalator tombe en panne ou que les nouveaux post-it ne soient pas de la couleur habituelle et je ne serais pas surpris de le voir profiter de sa pause déjeuner pour aller acheter une arme au Walmart du coin.
In fine, la lecture est agréable et le roman plus intéressant que le sujet ne le laisse penser, avec de mon point de vue la limite que peut représenter l'exercice de style, l'auteur faisant un effort considérable pour ne parler que des sujets les moins enthousiasmants du monde - et y arrivant avec brio - ce qui entraîne une légère lassitude sur le long terme.