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Le texte :
La moutarde monte vite aux nez des gens du Nord… Eleveurs de rennes et bûcherons s’opposent sur la gestion et l’utilisation des terres et des forêts, les uns ayant besoin de pâturages pour faire paître les rennes et les autres voulant ratiboiser la forêt pour obtenir du bois. Cette opposition « économique » se fait aussi sur fond d’identité, oserai-je rajouter « nationale » ?, et d’origines.
Les éleveurs, Sami d’origines, revendiquent l’usage de certaines terres que les bûcherons leur refusent sous prétexte qu’ils étaient là avant. La belle affaire ! La grande affaire ! Qui se déroule d’ailleurs au tribunal. Avec l’intervention d’experts, partisans pour certains d’un rejet de la primauté des Samis sur la région qu’ils revendiquent, partisans pour d’autres de la préséance des Samis, peuple non sédentaire par métier.
Tout commence par la découverte d’un squelette sans tête dans un enclos à rennes. D’où vient ce squelette ? De quand date-t-il ? Que fait-il ici ? Peut-il prouver la présence ancienne des Samis dans la région ? Où est le crâne qui permettrait de retracer l’histoire de ce squelette et peut-être changer le cours du procès ?
Autant de questions auxquelles le lecteur ne pourra donner de réponses qu’en patientant jusqu’au bout des troisièmes aventures (non, je n’ai pas lu les deux premières !) de la brigade des rennes.
Olivier Truc rajoute à cette trame identitaire, dont les résonances dans nos sociétés occidentales sont nombreuses au premier rang desquelles les problématiques d’identité et d’intégration que nous connaissons en France, une trame historique tout aussi prégnante avec les notions de races supérieures et parfaites, de pureté de la race : les pratiques nazis avaient également cours en Suède, malgré la neutralité affichée de ce pays. Mesures des crânes et tentatives d’établissement d’une cartographie morphologique des races aryennes, trafics de crânes, stérilisation des personnes jugées inaptes à la perpétuation de la race supposée supérieure et parfaite… tout cela ressurgit à l’aune de la querelle entre les éleveurs et les bûcherons, au fond assez proches dans leurs modes de vie : pénibilité du travail, proximité avec la nature, protection corporatiste…
Et pourtant on ne peut s’empêcher de trouver qu’au milieu du livre, l’auteur tourne un peu en rond : l’histoire peine à avancer comme s’il doutait un temps du cours que doit prendre son récit, comme s’il hésitait sur les pistes à privilégier… laissant un peu le lecteur de côté avant de le reprendre par la main pour le remettre sur les rails de son histoire et enfin faire avancer son intrigue. Passé ce moment en roue libre, la trame du récit d’Olivier Truc reprend son rythme de croisière, celui qu’il n’aurait jamais du abandonner.
A noter aussi de la part d’Olivier Truc un vrai travail sur les personnages. Payant, au demeurant, puisqu’on se passionne pour tous les personnages sans exception, des personnages récurrents des romans d’Olivier Truc à ceux qui ne font que passer dans cette histoire. Ni angélisme, ni diabolisation, aucun personnage n’est caricatural et chacun présente ses forces et ses faiblesses, ses zones d’ombres et de lumière. Une très grande réussite à ce niveau.