Le titre original de ce roman est « J’ai le droit de me détruire… ». C’est le cri que Françoise Sagan aurait lancé à des policiers tentant de mettre fin à une de ses excentricités. Bien sûr, il n’eut pas été correct de rendre ce titre à la version française de ce roman. Mais La Mort à demi-mots reflète tout autant l’univers mortel dans lequel Kim Young-Ha nous invite à le suivre.
« Ce polar fantastique nous entraîne dans le Séoul des années 1990. On y rencontre des artistes expertes en performances, qui peignent des toiles avec leur corps nu, des filles peu farouches, qui font l’amour en mangeant des sucettes, des taxis balles-de-revolver qui foncent à plus de 180 km heure sur les autoroutes suspendues. Et un esthète du crime, bourreau au grand coeur, qui contacte ses victimes par petites annonces et, avec bienveillance et compréhension, les aide à passer de vie à trépas.
« L’économie explosait, dit l’auteur. C’était une époque de frénésie et d’excès, et c’est ce que j’ai voulu rendre dans mon livre. »
Le premier roman de Kim Young-Ha, salué par la critique comme le chef de file d’une nouvelle génération d’écrivains coréens qui se frottent à la vie telle qu’elle va et surtout telle qu’elle change. »
La mort joue un rôle central dans la littérature asiatique et dans la littérature coréenne tout particulièrement. La richesse créative de Kim Young-Ha est de se pencher sur ces valeurs occidentales que sont l’Eros et le Thanatos, l’amour et le désir d’une part, la mort et la résilience d’autre part. Bien plus que les femmes qui croisent les vies de C et de K, les deux jumeaux si différents, c’est bien d’autres points qui ressortent de ce – trop ? – court récit.
En effet, l’art européen est mis en valeur au travers des œuvres de David, Klimt et Delacroix. Mais il n’est pas question d’art d’Asie. Cette période de la Corée du Sud où la frénésie menait la société est abordée de façon bien métaphorique, notamment au travers du taxi de K qui traverse le pays à fond. Notre monde qui s’enlise dans la lenteur, l’immobilisme, du fait d’une épidémie elle-même venue d’Asie est un parallèle saisissant avec la période du récit.
Bien plus que la mort, c’est le rapport à l’art, les conflits entre la perception des arts morts et des arts vivants qui nous éclaire sur ce qu’est la vie d’artiste, essayant de justifier son existence au travers de son expression artistique. Le tueur du récit n’est qu’un assistant de la Mort, il aide ses clients à passer de l’autre côté. Lui-même est un artiste, celui qui fait des vies et des morts qui les libèrent, des œuvres uniques et universelles. Il s’accorde en cela un statut de dieu, dont il doute en son for intérieur. Un récit, une réflexion, des visions qui éclairent les lecteurs sur les perceptions d’un monde en devenir.