Comme toujours chez l’auteur, l’écriture est d’une fluidité parfaite et l’imagerie puissante.
Laurent Gaudé nous invite au voyage et à l’agonie d’un royaume imaginaire voué à disparaître.
Une dramaturgie théâtrale poétique et délétère, au souffle romanesque, c'est l'histoire du monde et des hommes qui nous est contée.
On retrouve comme « Pour seul Cortège », une fiction historique rappelant aux grands récits épiques, croisant le mythe, la volonté féminine, et les envolées fantastiques. Et tel Alexandre et ses conquêtes dévastatrices, le roi Tsongor est fatigué. Il souhaite rendre à son royaume l’espoir des fins de guerres de territoires, mais un fantôme du passé revient faire valoir ses droits. Sengo Kerim, ami d’enfance et amoureux de Samilia.
Promise à Kouame, Roi des Terres de Sel, Samilia se souvient de son serment fait à Sengo et avec son armée de nomades, il vient demander réparation.
Tsongor et ses enfants devront faire des choix et la guerre est inévitable.
Qui saura apaiser le Roi ? Tsongor est mort et pleure au côté de Katabolonga, mystérieux personnage, ami du roi, et assassin. Tsongor souffre pour sa ville et ses enfants, il veille encore sur ses sujets avant de pouvoir mourir une seconde fois en paix et l’un de ses fils, Souba, en sera le garant.
Un livre court et particulièrement dense, occultant les longueurs inutiles, où l’économie des mots sait rendre l’ambiance sanglante d’un combat, le questionnement dans le cœur des hommes ou encore, en quelques mots choisis, la beauté et la force d’un dialogue hors du temps, convoquant la mémoire et les peurs, les regrets et les soutiens indéfectibles. Un récit noir et sans espoir, passant de la lumière à l’obscurité en quelques pages...où la fierté du combattant n’aura d’égale que la volonté de celle qui décidera de se libérer de son rôle de femme convoitée.
L’introduction de nouveaux personnages de manière parfois abrupte servira avec talent une narration à suspense. Des tribus venant d’un autre temps, pour des personnages hauts en couleur, et des batailles fracassantes qui finiront de creuser le fossé entre tous... l’ensemble entrecoupé de courts chapitres sur la quête de Souba, fidèle à sa parole. La solitude de l’homme face à son destin, le temps qui passe inexorablement, Souba, cheminant à travers un royaume inconnu, où ces courts passages de calme sont profondément nostalgiques. Fils de Tsongor il aura quitté Massaba, propulsé dans une quête des plus difficile et injuste. Annonçant la mort du Roi à travers tout le royaume, cherchant des lieux de sépultures afin de donner au monde le portrait de son père défunt, ce sera une vie entière d'apprentissage qui lui permettra de grandir et comprendre.
Mais du point de départ, l’auteur pointe l'éternel recommencement des violences annoncées, pour un portrait de l'homme qui aura été de tout temps prompt à détruire ce qu’il aime. Sa violence et ses convoitises, mais aussi son honneur et sa fidélité, sa folie et son aveuglement...prêt à tout pour assouvir sa soif de vengeance, en oubliant...son serment d’amour.