Cela faisait depuis bien trop longtemps que ce livre trainait dans ma bibliothèque; j'ai donc décidé de me lancer dans cette lecture, à la fois étonnante et choquante, qui n'a duré que 2 jours.
Robert Merle a réussi l'exploit de mettre à la première personne du singulier la vie de Rudolf Lang (son surnom dans l'oeuvre), directeur du camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau.
Et on se pose tous la même question: comment un homme a-t-il pu tomber dans les rouages du Parti National Socialisme, et devenir un des acteurs principaux de la mise en place de la solution finale?
Eh bien ce récit, ou devrais-je dire, ce roman, nous explique la vie de ce Rudolf, issu d'une famille très croyante, avec un père dur et très pieux, qui décèdera quelques temps plus tard. Lui, qui se destinait à devenir prêtre, puis ensuite missionnaire, des trahisons qu'il supposaient réelles le détourne de la "sainte voie", et décide de s'engager lors de la Première guerre mondiale. Fasciné par son oncle Franz, il réussit, tant bien que mal à rentrer dans l'armée malgré son âge (il n'avait que 16 ans) et montre sa détermination à obéir aux ordres car oui, si c'est un ordre, on ne réfléchit pas, et on agit.
"Je suis soldat. Qu'importe l'uniforme? Je suis soldat."
Après être rentré de la guerre, vaincu, le jeune homme, insensible face au décès de sa mère pendant son engagement, se retrouve dans une société allemande qui dénigre les soldats, incapables de gagner la guerre, et monte en lui une haine envers les Juifs:
"Je reconnus ces yeux bulbeux, ce long nez crochu, ces joues molles, ces traits haïs et repoussants (...) Mais je le comprenais maintenant, il était bien réel, bien vivant, on ne le croisait dans la rue. Le diable, ce n'était pas le diable. C'était le juif."
Le destin du jeune Rudolf est donc tout tracé, il adhère au Parti National Socialiste, et après des années d'extrême pauvreté et 5 années d'incarcération, il se retrouve engagé dans une ferme, sous l'aile de Von Jeseritz, qui le marie avec la fille d'un fermier, Elsie. Les rencontres se succédèrent: Himmler, le Führer lui-même, sont impressionnés par son "talent d'organisateur, et par son manque de conscience" et décident de lui conférer le rôle du directeur d'Auschwitz-Birkenau, de ses prémices jusqu'à son déclin.
"Trois jour après son discours, je reçus du Reichsführer SS l'ordre de me rendre en Pologne, et de transformer un ancien casernement d'artilleurs polonais en camp de concentration. Ce nouveau KL devait s'appeler Auschwitz du nom du bourg le plus proche."
Pour ma part, j'admets avoir ressenti de la "compréhension" face à l'enfance très dure et très austère de Rudolf Lang. Comment peut-on avoir une once de conscience et de compassion, alors que ce jeune homme n'a jamais connu l'amour parental et fraternel? Mais mon avis changea dès la seconde partie du livre, où on ne voit plus Rudolf Lang, comme étant pauvre et orphelin, mais comme le directeur d'Auschwitz en action; déplacements dans les camps de Treblinka pour consolider la solution finale, pour pouvoir "tuer plus d'unités" etc. Il devait obéir aux ordres, en oubliant complètement son humanisme, qu'il n'a probablement jamais eu. Même si, à la fin du livre, Elsie, alarmée, apprend enfin ce que son mari fait dans ce camp, Rudolf chancèle pour lui expliquer comment il peut réussir à regarder dans ses yeux ses enfants, alors qu'il en gaze tous les jours sur son lieu de travail.
Enfin, l'année 1945 marque la fin de la guerre, et Rudolf Lang est arrêté, et jugé en Pologne. Face à son jugement, Rudolf est encore une fois impassible face aux survivants du camp, et ose même prendre la parole pour rectifier l'usage de ses chambres à gaz, et le témoignage des survivants.
Pour conclure ma critique, je dirais que cette oeuvre permet de voir le point de vue allemand, de la fin de la Première guerre mondiale, jusqu'à l'apogée du IIIe Reich. On pourrait dire que ce qui a motivé Rudolf Lang, c'était l'amour de sa patrie, la vengeance du traité de Versailles, et enfin, la haine envers les Juifs.
Après avoir longtemps lu des écrits sur des survivants des camps de la mort, je conseille vivement cette lecture, à la fois historique et non négligeable pour mieux comprendre les rouages de ce camp, qui a tué plus de 3 millions "d'unités", comme disait le directeur, et rentrer dans l'histoire de l'Allemagne vaincue, et devenir nazie.
Enfin, je citerais une dernière fois Rudolf Lang, lors de son procès. "Excusez-moi, je crois que vous ne comprenez pas mon point de vue. Je n'ai pas à m'occuper de ce que je pense. Mon devoir est d'obéir."