La mort est mon métier est une biographie romancée de Rudolf Höß (renommé Rudolf Lang dans l'ouvrage), commandant du camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz pendant la Seconde Guerre mondiale.
La mort est mon métier est une biographie historique de Robert Merle publiée en 1953. L'auteur a bâti son ouvrage sur les entretiens de Rudolf Höss avec un psychologue américain lors des procès de Nuremberg.
La mort est mon métier décrit la vie de Rudolf Lang, adolescent à la veille de la première guerre mondiale puis son ascension dans la machine d'extermination nazie.
Rudolf Lang, l'édification d'un monstrueux exécutant
La mort est mon métier commence en 1913. Rudolf Lang est l'ainé d'une famille de 3 enfants, le seul garçon, "écrasé" par son père, un commerçant ayant reçu une éducation militaire, qui le destine à la prêtrise. Introverti, sujet a des changements d'humeur, le jeune adolescent se laisse aller à des accès de violences, cassant dans la cour de l'école la jambe de son ami Werner lors d'une bagarre. Après la mort de son père en 1914, Rudolf décide de s'engager pour aller combattre durant la grande guerre. Après 2 refus motivés par sa minorité, il parvient à rejoindre une unité de dragons où il se révèle être un militaire obéissant et efficace. Démobilisé après 1918 et le traité de Versailles, il connait la famine et le désespoir dans une Allemagne déchirée, humiliée et occupée partiellement. Abandonné par sa famille, il trouve une échappatoire en rejoignant les Corps francs du Baltikum (Freikorps) qui combattent les Spartakistes communistes sous la République de Weimar.
Condamné à 10 ans de prison pour le meurtre d'un opposant, le juge lui accorde une remise de peine tout en lui disant:
Vous êtes dangereux parce que vous êtes honnête.
- Tous les hommes honnêtes sont dangereux. Seules les canailles sont inoffensives. Et savez-vous pourquoi?
-Nein, Herr Direktor (...)
- Parce que les canailles n'agissent que par intérêt, petitement.
Les unités dissoutes, il connait le chômage et la famine, envisage de se suicider mais il en est dissuadé in extremis par un de ses amis, ancien collègue des corps francs.
Le même jour, il officialise en mairie son abandon de la religion protestante et rejoint le parti nazi.
Il n’y a qu’une église pour moi, et c’est l’Allemagne.
Suite à la proposition d'un riche propriétaire foncier proche des nazis, il réhabilite une ferme à l'abandon dans une terre hostile et marécageuse. Il s'y installe avec sa femme Elsie. L'homme est encore jeune mais on discerne déjà chez lui des traits de caractère bien marqués: solitaire, sans empathie, discipliné, courageux et aveuglément obéissant.
J'étais poli et déférent, je ne posais pas de question, je ne réclamais rien, et je faisais toujours instantanément tout ce qu'on me disait de faire.
Rudolf Lang et Auschwitz
Ayant été remarqué par Himmler, Lang se retrouve propulsé directeur d'un camp de concentration qui marquera l'histoire génocidaire de l'Allemagne, le Konzentration Lager d'Auschwitz où seront exterminées 2,5 millions de personnes.
La machine d'extermination est échafaudée sous le sceau du secret. Le Reichsfuhrer Himmler discerne rapidement chez Lang une obéissance absolue et une fascination totale pour le chef des Waffen SS.
Le Fürher pense que si nous n’exterminons pas les juifs maintenant, ceux-ci extermineront plus tard le peuple allemand. Voici donc comment le problème se pose : C’est eux ou nous.
Le Führer, dit-il d'une voix nette, a ordonné la solution définitive du problème juif en Europe.
Il abaissa sur moi son regard:
-Je vous ai choisi, vous, à cause de votre talent d'organisateur....
-...et de vos rares qualités de conscience
Himmler met en pratique la solution finale conceptualisée par Reinahrd Heydrich.
Affecté avec sa famille à Auschwitz avec des objectifs d'extermination de masse inatteignables, Lang va se rendre au camp d'extermination de Treblinka dont le taux de rendement génocidaire est jugé insuffisant et les problèmes pratiques visiblement insolubles.
S'inspirant des lacunes observées, il remplace les camions gaziers de Treblinka, reliés aux baraquements d'extermination, par le Zyklon B, un pesticide à base d'acide cyanhydrique, qui sera dispersé en cristaux dans des baraquements de plus en plus grands.
Le problème de l'enfouissement des corps sera "réglé" par leur incinération massive et quotidienne dans des fours crématoires. L'industrialisation de la mort à grande échelle atteint sa vitesse de croisière avec l'aide contrainte des Sonderkommando, prisonniers juifs dévolus à faire disparaître les corps, ou ce qu'il en reste, après "traitement".
Ce passage du livre est remarquable, livrant avec minutie de l'intérieur l'horreur du processus d'extermination jusque dans ses détails les plus pratiques. Il relate aussi les difficultés morales que rencontrent certains officiers à accomplir leurs missions. Certains, comme le second de Lang, préfèreront se donner la mort après avoir vu échoué sa demande de mutation afin de quitter le camp de concentration pour rejoindre le Front.
La défaite allemande
Pour Rudolf Lang, la défaite allemande l'oblige à fuir Auschwitz. Hébergé dans une ferme par un ancien SA, il apprend incidemment la mort de son mentor: Himmler s'est suicidé en ingérant une capsule de cyanure. Se sentant trahi et révolté, il juge ce suicide comme une trahison et une fuite, laissant à ses subordonnés la responsabilité de répondre devant la justice des horreurs du processus d'extermination des camps de concentration.
Arrêté par les américains, il est jugé à Auschwitz. Interrogé et confronté parfois à ses anciennes victimes lors de son procès, il se se réfugie derrière l'obligation d'obéir aux ordres, rappelant qu'il n'était qu'un rouage de cette entreprise d'extermination (Comme Eischmann, Barbie et d'autres le feront après lui...).
Il ne m'est jamais venu à l'idée de désobéir aux ordres.
-Vous n'éprouvez aucun remords ?
Je dis nettement :
- Je n'ai pas à avoir de remords . L'extermination était peut-être une erreur . Mais ce n'est pas moi qui l'ait ordonnée .
Par conséquent , si c'était à refaire , vous ne le referiez pas ?
Je dis vivement :
-Je le referais , si on m'en donnait l'ordre .
-Vous agiriez contre votre conscience !
-Excusez-moi , je crois que vous ne comprenez pas mon point de vue . Je n'ai pas à m'occuper de ce que je pense . Mon devoir est d'obéir .
Le juge du tribunal s'adressant à Lang une dernière fois, le roman conclut:
Ses yeux bleus se fixèrent sur moi avec une intensité gênante, il secoua de nouveau la tête, et il dit à voix basse, avec un bizarre mélange de pitié et d'horreur :
- Vous êtes complètement déshumanisé.
Condamné à mort, Rudolf Lang sera pendu à Auschwitz.
La mort est mon métier est un ouvrage historique minutieux et essentiel qui montre l'homme comme un abyme de ténèbres, confirmant qu'il est le plus dangereux des mammifères depuis la nuit des temps.
Il y a sous le nazisme des centaines,des milliers de Rudolf Lang; moraux a l'intérieur de l'immoralité, consciencieux sans conscience, petits cadres que leur sérieux et leurs"mérites" portaient au plus hauts emplois.
A titre personnel et plus généralement, je n'ai jamais vraiment compris ce qui se cachait derrière la notion de "mérite", un concept nébuleux qui revient en force dans le monde du travail....je comprends un peu mieux dorénavant de quoi il s'agit.
Ma note: 9/10