Cacophonie
Une de ses œuvres tardives, pourtant aussi peut-être une de ses moins personnelles ; du moins c'est ainsi que je l'ai ressentie, tant on n’y retrouve pas ou comme atténuée les caractéristiques...
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le 31 août 2022
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Une de ses œuvres tardives, pourtant aussi peut-être une de ses moins personnelles ; du moins c'est ainsi que je l'ai ressentie, tant on n’y retrouve pas ou comme atténuée les caractéristiques habituelles de la littérature de Mishima. La faute peut-être au choix original dans son œuvre de donner au roman la forme d'un compte-rendu médical écrit directement de la perspective du psychanalyste ; les moments de contemplation, qui font habituellement règle, sont ici uniquement ponctuels, et parsèment un ou deux paragraphes occasionnellement.
Ce qui est dommage, le parti-pris n’étant à mon sens jamais totalement assumé (le narrateur se permet beaucoup de remarques ou descriptions qui n’auraient rien à faire dans un ouvrage du genre), et parfois le comportement du médecin peine même à paraître crédible (entre autres, la facilité avec laquelle il brise le secret médical à sa première rencontre avec Ryuichi, et une second fois à la fin du roman), et finalement son absence de caractérisation semble nuire à l'intrigue, ne permettant pas de mettre proprement en forme un jeu de manipulation psychologique entre sa patiente et lui (puisque précisément on ne cerne guère sa psychologie).
Car la perversité habituelle des rapports qui lient ses personnages est plutôt en retrait pour une fois, et le jeu de manipulation entre le narrateur et Reiko, que j’aurais pensé central au roman, tourne vite court, pour finalement ne laisser place qu'à la victimisation complète de la jeune femme qui ne représente plus vraiment une menace.
Paradoxalement, dans ce roman qui fait de la psychologie des personnages le sujet central de son œuvre, on perd la finesse des descriptions des mouvements intérieurs des personnages que Mishima maîtrisent si bien ; au contraire, une lourdeur médicale vient tenter de tout expliquer, à grands renforts de concepts psychanalytiques primitifs (le symbolisme grossiers des ciseaux, l'inceste, le traumatisme infantile) et l’ensemble se recoupe pour tout démêler dans un climax happy end, qui tombe comme un cheveu sur la soupe, et réduirait la profondeur et la complexité parfois paradoxale de la psychologie humaine à une simple partie de Cluedo dans laquelle il suffit de piocher les bonnes cartes.
On note aussi une tentative assez piteuse de psychologiser le corps social, que je mettrai, je l'espère à raison, sur le compte du narrateur, matrixé par sa doctrine, et qui semble trahir l'importance accordée traditionnellement chez Mishima à dresser un portrait sociologique de ses protagonistes et de leur environnement.
Bref, à mon sens une œuvre vraiment mineure de Mishima, un roman faussement sophistiqué qui tombe le plus souvent à côté de la plaque avec lourdeur, pas pour autant un moment désagréable non plus – Mishima oblige, faut pas déconner non plus.
Créée
le 31 août 2022
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