Tout à fait bluffé et totalement conquis par ce surprenant petit bouquin qui nous conte la vie bizzaroïde de Crab, un homme pas comme les autres qui nous ressemble comme deux gouttes d'eau. C'est le premier Chevillard que je lis , et typiquement l'un de ces achats motivés par SC que je remets à trop tard. ;-)



Il a encore enfilé ce matin trois chaussettes appartenant à trois
paires différentes. Et c'est tous les jours la même chose. Parce qu'en plus Crab est du genre distrait...



Le livre est complètement désarçonnant. Les illogismes et les absurdités s'y télescopent joyeusement, dans un fatras gaiement entretenu par une langue chirurgicale. Chevillard nous propose tout d'abord la bizarre mais cohérente logique de son personnage: si on peut comparer une aiguille et un chien alors on peut coudre un bouton avec un chien. Et sans instructions précises quant à son corps, un amnésique en vient forcément à marcher sur les mains. En toute simplicité. Et tout le roman procède alors de ce jeu implacable sur le sens des mots et leur dérive dans l'absurde. Réjouissant.


Une fois sa "logique" exposée (explosée?), l'auteur nous fait découvrir une vie d'homme. Crab c'est un peu tout le monde, mais un tout le monde aux amarres bien mal arrimées. Il n'est pas sûr d'être né (seule sa mère le lui confirme), il se souvient de tous ses cimetières. Jeune, il construit cette extraordinaire maison qui n'existe pas, pour enfin y vivre dans un incendie permanent. Sa vie il la passe à errer dans les siècles , une clé à molette à la main. Car Crab fuit dans tous les sens, , se dérobe, noie le poisson, mord à l'hameçon, tombe dans tous les pièges face à des foules qui l'effraient. Et, comme chacun de nous, Crab meurt, contemple cette mort , cherche le Satori, l'Illumination, la sagesse d'une union avec les choses et les êtres (il y a du zen dans ce petit livre).


Personnellement , et au risque de m'avancer, je trouve que "La nébuleuse du Crabe" évoque un autre personnage lunaire: le monsieur Plume de Henri Michaux et ces petites histoires sans queue ni tête (mais riches d'un sens enfoui comme une truffe dans le sol) rappellent aussi beaucoup ce que vous lirez dans "L'espace du dedans". Je vous rassure, Chevillard est beaucoup moins cryptique que Michaux !


Extraordinaire bouquin, qui parle de nous tous, de nos doutes, nos angoisses et nos petites vies, du désir, du chômage, de la mort, dans un labyrinthe d'aphorismes et d'anecdotes emprunts d'un pessimisme assez cru mais écrit avec une espièglerie contagieuse. C'est tout-à-fait jouissif comme lecture. Je recommande chaudement, guys et guysettes!

nostromo
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Mes étagères se remplissent , Ikea est content...

Créée

le 20 mars 2016

Critique lue 320 fois

4 j'aime

nostromo

Écrit par

Critique lue 320 fois

4

D'autres avis sur La Nébuleuse du crabe

La Nébuleuse du crabe
Eggdoll
8

Qui est Crab ?

C'est une question essentielle, dans tous les sens du terme. Crab est-il M. Tout-le-monde ? Pour répondre à cette question, je peux déjà vous renvoyer à la réponse de Chevillard lui-même lorsqu'un...

le 22 janv. 2013

4 j'aime

La Nébuleuse du crabe
MarianneL
8

Critique de La Nébuleuse du crabe par MarianneL

Ce court livre de 1993, le cinquième roman d’Eric Chevillard, écrit en fragments, souvent illogiques, se trouve au croisement des histoires pour enfants, de la poésie, de l’absurdité, de Bouvard et...

le 20 août 2013

2 j'aime

La Nébuleuse du crabe
noraluca
9

Critique de La Nébuleuse du crabe par noraluca

La nébuleuse du crabe est délicieusement absurde. C'est à lire par petit bout où tout d'un coup. En tous les cas à lire plusieurs fois. Juste pour le plaisir de s'embarquer dans la logique (ou pas) ...

le 27 sept. 2010

1 j'aime

Du même critique

The Leftovers
nostromo
4

La Nausée...

Saison 1 seulement ! (Et pour cause!) The Leftovers n'est pas vraiment une série sur la "rapture" chrétienne, ni sur les extra-terrestres ou tout autre concept fumeux... Il y est plutôt question de...

le 29 sept. 2014

37 j'aime

11

Le Tombeau des lucioles
nostromo
10

La guerre, oui, mais d'abord l'enfance...

Quand j'ai vu "Johnny got his gun", je savais très bien à quoi m'attendre. Et ça ne m'a guère aidé... Pour "Le Tombeau des lucioles", je n'avais aucune idée de ce que j'allais voir, et je vois bien...

le 17 avr. 2013

35 j'aime

4