La nonne et le brigand par Gwen21
Achat d'impulsion un samedi matin dans une librairie. Moi qui n'achète jamais de livre, je reste humaine, ça m'arrive parfois de succomber à la curiosité. Oh, une belle photo de la jungle amazonienne, un titre un peu racoleur qui semble promettre aventures et passion ! Allez, on le tente Lucette !
Deux histoires, trois narrateurs, un journal... Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Je ne connaissais vraiment rien de l'auteur avant d'ouvrir ce livre, jamais entendu parlé, inconnue au bataillon. A présent, j'en sais un peu plus sur son style que j'ai trouvé la plupart du temps très lourd avec de temps à autre quelques envolées comme autant d'éclaircies dans un ciel picard.
***ALERT SPOILER***
Deux histoires, donc.
La première, de nos jours, en France. Lysange, 45 ans, est une brillante thésarde en démographie qui semble avoir beaucoup de temps libre (« Fonctionnaire ! » (provoc gratuite)) pour se livrer à un exercice d'introspection plutôt poussée qui rend la lecture de ses états d'âmes plutôt poussive. Épouse d'un mari cocu-consentant (je déteste ce genre de personnage complètement improbable et qui fait pitié), mère de jumeaux, plus jeune que son mari, collectionnant depuis toujours les aventures et tombant par hasard dans un aéroport sur un amant qui semble pouvoir durer un peu plus longtemps que les autres étant donnée la passion qu'il lui inspire, va littéralement nous pomper l'air avec ses sentiments.
La seconde, années 50, au Brésil. Sœur Madeleine, la vingtaine, s'en va non pas en guerre mais en mission pour convoyer des médicaments au fin fond de l'Amazonie. Et qui l'évêque envoie-il pour prendre en charge et guider cette trop jolie religieuse ? Angel, une espèce de Crocodile Dundee d'Amazonie. Très sympathique au demeurant, à peu près le seul personnage droit dans ses bottes (en peau de piranha... non, c'est une blague) qui m'ait paru sincère même si son bagou ne va pas jusqu'à faire de lui une figure crédible du récit.
Ah, d'ailleurs des figures crédibles dans ce récit, bon courage pour en trouver et si ça vous arrive, surtout faites-moi signe. Est-il besoin de vous en dire plus ? N'avez-vous pas déjà deviné ce qu'il va se passer sous les frondaisons de la jungle tropicale entre Soeur Madeleine et Angel, entre la nonne et le brigand ? Bah oui, vous avez forcément deviné ; le lecteur aussi, enfin dès qu'il a (laborieusement) atteint le tiers du roman et qu'il commence enfin à être question d'un truc en rapport avec le titre du bouquin. Ouf, l'espace d'une heure, j'ai bien cru que l'imprimeur s'était planté dans ses reliures !
Aussi cousu de fils blancs que le hamac de Spider-Man, le roman s'étire lentement le long du fleuve Amazone. Le lecteur aurait encore une chance de s'intéresser à cette odyssée dans la jungle hostile dont l'action flirte dangereusement avec un niveau de narration Harlequinesque si le « journal » de Soeur Madeleine n'était pas continuellement entrecoupé par les simagrées de Lysange qui telle la mouche du coche s'ingénue à nous ramener de force vers sa passion pour son amant qui franchement est d'une banalité à pleurer et qu'aucun exotisme tropical ne vient agrémenter. Alors, Lysange, poupée, sois gentille et fiche-nous la paix, laisse-nous tranquilles quelques heures dans la jungle en compagnie d'Angel et de sa Madelon.
D'abord, c'est quoi ce prénom, Lysange ? Ah, ok, je vois. Un papa qui s'appelle Angel, une Maman qui s'appelle Louise (ah, ah, suspense !), on met dans le blender, on mélange et ça nous sort du chapeau un prénom bricolé genre Mathieu et Audrey qui appellent leur fille Emma parce que ce sont leurs initiales ? Trrrooooppp chou ! Dommage que ce ne soit pas crédible.
Est-ce que c'est parce que c'est la saison des mirabelles que j'ai eu autant envie de secouer Lysange comme un prunier histoire de la faire redescendre des hauteurs psychologiques (de comptoir) au sommet desquelles elle s'est hissée ? Mystère mais j'ai la certitude que si l'auteur avait voulu faire exprès de flinguer son roman, elle n'aurait pas mieux réussi. Pourtant, tout n'est pas à jeter dans sa trame, loin de là : le secret de famille (bon, ok, on connaît mais ça marche toujours), l'histoire d'amour passionnée (on ne demande pas mieux !), le décor sauvage somptueux (armez-vous quand même de votre imagination), la faille dans la vocation religieuse, etc. Mais, comment vous l'expliquer sans en écrire encore des tartines ? Il n'y a pas d'équilibre, tout est embrouillé. Avec Lysange, trop de réflexion et avec Madeleine, trop peu d'action. Les deux récits emmêlés semblent suggérer le lien étroit entre les deux femmes (au cas où des lecteurs anesthésiés n'auraient pas encore compris le dénouement 150 pages avant la fin) et entretenir un suspense qui ne débouche que sur l'exaspération du lecteur de voir le récit de la nonne tailladé à la machette. 50 ans séparent ces deux destinées mais le ton du récit est désespérément le même, dommage.
J'ai évoqué en intro un troisième narrateur qui parfois prend le relais et raconte Lysange comme si Lysange était elle-même fatiguée de se raconter (et nous de l'écouter).
Ah, pour finir, un détail qui m'a exaspérée : c'est quoi cette manie d'écrire les dialogues sans aucune syntaxe et sans aucune ponctuation ? Rien, pas un tiret, niet. Qui parle ? On ne sait pas. Dans une même phrase, deux personnes s'expriment, faut s'accrocher... J'ai encore dû louper un truc, ça doit être tendance. Enfin, j'en resterai là. Je suis allée jusqu'au bout du voyage et j'en suis revenue.
Achat d'impulsion. Bah, c'est l'jeu ma pauvre Lucette !
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste 2013