Après Incident de personne que j'avais lu la semaine dernière et dont j'avais parlé ici, je me suis lancé dans la lecture d'un autre roman d'Eric Pessan : La nuit du second tour, dont j'avais entendu parler dans l'émission Le Masque et la Plume sur France Inter. Les critiques/chroniqueurs de l'émission n'étaient pas forcément emballés par ce livre, mais le thème et l'idée de départ m'ont suffisamment intrigué pour me donner envie de le lire.
Le point de départ de ce roman est porté par son titre : il se déroule la nuit suivant le second tour de l'élection présidentielle française. On devine rapidement que l'élection a été remportée par le (la) candidat(e) du parti d'extrême-droite, même si ni le candidat ni le parti ne sont nommés explicitement dans le livre.
L'auteur nous propose alors de suivre les pas et les pensées de deux personnages : David et Mina, qui formaient un couple quelques mots avant le début du récit. David, secoué par le résultat de l'élection, parcourt les rues de sa ville. Quant à Mina, elle se trouve à bord d'un cargo qui vogue vers les Antilles, puisqu'elle a choisi de fuir avant que la catastrophe électorale n'ait lieu.
Le récit n'est pas forcément passionnant, il ne se passe d'ailleurs pas grand chose de passionnant pendant cette fameuse nuit du second tour. Bien sûr, la ville que parcourt David est le cadre de manifestations spontanées, d'incendies de voitures et de pillages barbares, et Mina nous guide à travers la vie particulière sur un cargo transatlantique. Mais le récit qu'en fait l'auteur semble vouloir reléguer ces événements au second plan, au profit des pensées des deux personnages sur le mal-être individuel et sur le couple. A cela s'ajoute des tentatives de discours sur la politique, parfois un peu simpliste voire moralisateur. Finalement, entre ces deux aspects du roman, entre les réflexions existentielles et l'essai politique, l'auteur ne choisit pas vraiment et il n'est parvenu à me convaincre ni d'un côté, ni de l'autre.
J'ai tout de même retenu un extrait qui m'a bien plu :
Qui a envie de voter pour quelqu'un qui annonce d'emblée ne pas pouvoir contrer la financiarisation du monde ? Qui a envie de s'engager pour quelqu'un qui est à demi dans le renoncement ? Qui peut soutenir quelqu'un qui ne parle que de rigueur, de crise, d'austérité, dans un monde que l'on sait prospère et florissante comme jamais le monde ne l'a été ?
A force d'oublier qu'ils doivent faire rêver, les partis traditionnels ont enfanté un cauchemar.
[...]
A ceux qui protestaient, qui réclamaient des améliorations, des espoirs, on n'a jamais répondu. Les partis traditionnels ont moqué leur ingénuité et leur candeur ; ils ont dit aux gens qu'ils ne pouvaient pas comprendre, qu'ils ne réalisaient pas, qu'ils ne pouvaient pas s'imaginer. Qu'est-ce que vous croyez ? Que les solutions se trouvent sous le sabot d'un cheval ? Ceux qui gouvernent comme ceux qui voulaient gouverné ont infantilisé le mécontentement, se sont amusés des grands élans donquichottesques de ceux qui voulaient changer le monde. Ils ont dit de ne pas bouger, de ne rien faire, de se contenter de voter et de ne surtout pas venir exprimer de déception. Ils ont dit qu'il fallait participer, aider, collaborer, accompagner, promouvoir. Ils ont rabâché que les temps n'étaient plus au faste et au luxe sans jamais apporter une seule preuve.
Les partis politiques traditionnels n'ont pas su offrir un sourire, une joie, ou - à défaut - l'espoir d'une joie possible à ceux qui en avaient besoin.*
J'ai traversé ce roman sans déplaisir, mais aussi sans enthousiasme, sans entrain. Il me semble que l'idée de départ avait plus de potentiel que ce qui nous est finalement proposé, et c'est là le coeur du problème selon moi : il y avait tellement plus, tellement mieux à faire avec ce livre. Je n'aime pas les déceptions, et cette lecture en est malheureusement une.