Pour sa toute première entrée en librairie, Estelle-Sarah Bulle propose Là où les chiens aboient par la queue publié aux éditions Liana Levi. Un roman d’ores et déjà plébiscité par la critique et les prix, notamment le prix Stanislas remis lors du salon du Livre sur la Place de Nancy. Lettres it be a pris part au voyage entre Guadeloupe et France, et vous en ramène quelques bribes de souvenirs.
La bande-annonce
Dans la famille Ezechiel, c’est Antoine qui mène le jeu. Avec son «nom de savane», choisi pour embrouiller les mauvais esprits, ses croyances baroques et son sens de l’indépendance, elle est la plus indomptable de la fratrie. Ni Lucinde ni Petit-Frère ne sont jamais parvenus à lui tenir tête. Mais sa mémoire est comme une mine d’or. En jaillissent mille souvenirs-pépites que la nièce, une jeune femme née en banlieue parisienne et tiraillée par son identité métisse, recueille avidement. Au fil des conversations, Antoine fait revivre pour elle l’histoire familiale qui épouse celle de la Guadeloupe depuis la fin des années 40: l’enfance au fin fond de la campagne, les splendeurs et les taudis de Pointe-à-Pitre, le commerce en mer des Caraïbes, l’inéluctable exil vers la métropole…
Intensément romanesque, porté par une langue vive où affleure une pointe de créole, Là où les chiens aboient par la queue embrasse le destin de toute une génération d’Antillais pris entre deux mondes.
L’avis de Lettres it be
C’est une arrivée remarquée en librairie que celle d’Estelle-Sarah Bulle. Avec son roman Là où les chiens aboient par la queue, l’auteure née à Créteil d’un papa de Guadeloupe et d’une maman franco-belge a tôt fait de faire parler d’elle en obtenant le premier prix littéraire de la saison. Toutes les raisons étaient bonnes pour mettre en avant ce roman : une plongée dans l’Histoire, celle de France et de Guadeloupe, celle de Guadeloupe et de France. Histoires mêlées, liées. A jamais.
D’abord, difficile de ne pas penser au moins une fois au cours de cette lecture au Petit pays de Gaël Faye. On retrouve des éléments similaires, plus ou moins proches, mais toujours avec cet amour omniprésent de la terre natale parfois torturée, lointaine mais toujours chérie. Des ressemblances qui ne font jamais paraître le premier roman d’Estelle-Sarah Bulle pour une tentative de resucée. Bien au contraire, au fil des pages se dégage toute la plume d’une auteure qui émerge sous nos yeux. Et nous surprend.
La sensibilité de l’auteure et son sens de la narration entre traditions familiales guadeloupéennes et pâleur métropolitaine contemporaine font toute la force d’un roman qu’il est difficile de quitter des yeux et du coeur. L’alternance de voix, de situations, d’espaces et de lieux assure à la lecture un rythme tout particulier qui nous pousserait à ne plus jamais lâcher Antoine, Lucinde et les autres. La créolité de la plume et des sons, les couleurs, les souvenirs habillent ce roman d’une tunique toute particulière. Et cette poésie qui se dégage timidement, modestement, une poésie teinté d’une certaine résignation moderne… Bref, tout est bon et la Bulle n’éclate jamais, ne dépasse jamais un cadre d’exercice rondement mené.
C’est un texte prenant, parce qu’autant engagé qu’intime. Un premier roman qui restera au beau milieu de cette rentrée littéraire 2018 dans l’ombre de celui d’Inès Bayard Le malheur du bas, mais un texte qui arrive avec toutes ses forces pour sublimer une frange de notre Histoire de France. A tous, et pour tous.
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