La première fois que j’ai lu un récit de Thomas Vinau, c’était la Part des nuages. À ce moment-là, je ne cherchais pas quelque chose de particulièrement mystérieux, ni de résistant à la lecture. De fait, il ressort de ce roman une (trop ?) grande facilité pour le lecteur à se représenter les choses. Mais à la réflexion ce n’était pas si convaincant, en particulier pour l’aspect convenu d’une intrigue qui pourrait tout à fait donner un de ces films d’auteur français d’une heure quarante qui semblent durer trois jours.
Le thème de la crise de la quarantaine (plus exactement le personnage principal a trente-sept ans, p. 39) n’est pas du tout ma tasse de thé. Et pas davantage la figure de l’homme fort de ses faiblesses ; est-elle moderne ? postmoderne ? – en tout cas c’est un cliché bobo, quelque effort que l’auteur fasse ici pour l’enrichir.
Un exemple choisi – presque – au hasard : j’aime bien la fin de la phrase « Bénis soient les lambeaux arrachés avec les dents à la hyène du temps » (p. 17 en « 10-18 »), elle fait partie de ces étincelles stylistiques, deux, trois mots bien choisis, que l’auteur allume çà et là dans ses textes. Mais la phrase qui suit est quelconque, de nouveau conforme à l’esthétique des vicissitudes familiales du quotidien qui alourdit la Part des nuages : « Noé part dans trois jours chez sa mère. » Et les deux suivantes suintent le cliché facile, sont à l’intelligence ce que les vidéos de chatons mignons sur internet sont à la beauté : « Il n’y a que des parenthèses. Et parfois des points de suspension entre les parenthèses. »
Bien sûr, la prose poétique de Thomas Vinau suscite – d’où, j’y reviens, ce que je considère volontiers comme de l’indulgence de ma part – une forme de douceur qui donne quelque chose de douillet même à la déprime : « Il coupe la radio, ouvre la fenêtre, la ferme, allume à nouveau la radio. Rien ne va. Rien n’est mieux » (p. 38). Mais on n’est pas toujours loin de la niaiserie, à laquelle la précision du style seule permet là encore d’échapper : « Noé est le maître du feu. Son père est aussi légèrement grisé, bien sûr, mais pas de la même façon. Noé est un Apache. Son père est un anarchiste amer, ou une vieille grand-mère, qui brûle les ruines du temps » (p. 18).