Juette est née au XIIème siècle, à Huy, en Belgique. Harassée et lassé par les travaux de couture matinaux que sa mère acariâtre lui impose, Juette aspire à une vie faite de foi et de savoir. Son père ayant réussi, commerçant rapiat et gras, il assure à sa fille un confort dont elle n'a que faire. Assise dans la cour, à l'ombre du grand arbre, elle attend que son ami prêtre, Hugues de Floreffe, l'emmène et la transporte à travers ses récits, glanés dans les gros volumes qu'il lit assidûment à la bibliothèque, lorsqu'il n'est pas occupé à dessiner ses enluminures. Avide de connaissances, Juette n'a de cesse de poser des questions à son fidèle et seul ami. Son jeune âge n'empêche pas Juette de développer précocement un esprit très critique. En effet, Juette est révoltée face aux contraintes auxquelles son époque la soumet. De son esprit vif et éclairé, elle s'insurge contre un système social qu'elle juge caduc, mieux : injuste. Elle déjoue très vite les malhonnêtetés de l'Eglise et la mauvaise conduite de ses hommes, qui, elle le sait, ne sont pas plus magnanimes que les autres lorsqu'il s'agit du péché de la chair...

"Ni Dieu ni le Christ n'ont jamais demandé qu'on torture les filles. La Vierge est pure. Alors pourquoi ? Pourquoi "oui, je le veux" ? Le monde vivrait dans le péché permanent ?"

Mariée de force à treize ans, elle assiste à la destruction de ses idéaux en même temps que Hugues s'aperçoit que leur amitié lui file entre les doigts. Cinq années passent, ponctuées d'une fausse-couche et de la naissance d'un petit garçon. Et cela ne correspond pas du tout à l'idée que Juette se fait de la vie. Elle se met alors à souhaiter de tout cœur la mort de son mari, cet homme qui, le soir, lui "grimpe dessus" en soufflant si fort... A ses 18 ans, Juette est veuve. Son époux meurt dans son lit. Elle accède enfin à la liberté. Cependant, Juette n'est pas totalement émancipée. Le règlement religieux auquel elle devrait s'astreindre, ainsi que les coutumes désuètes de son temps, tel que le mariage, l'oppressent. Infidèle à son meilleur ami Hugues, Juette va se consacrer aux malades de la léproserie qui borde la Meuse. Au comble de sa bonté, enfin épanouie, elle en vient à réunir toutes les caractéristiques propres aux saintes. Mais sa personnalité dérange, ses dénonciations et surtout l'engouement qu'elle suscite finiront par alerter le clergé...

La passion selon Juette est un récit à deux voix. Le récit de Juette, la dissidente, imaginé de façon tout à fait originale et crédible par Clara Dupont-Monod, est sublimé par l'écho doux de Hugues, qui, malgré que son amie l'oublie parfois, donnant la priorité à son combat, ne cessera d'en être impressionné. Il s'agit d'un pari plutôt risqué. Mais également un projet très noble. Faire renaître une héroïne aussi lointaine et s'approprier, s'identifier à elle de cette façon est une entreprise littéraire aussi rarement tentée que réussie. Ce texte est la confirmation qu'à travers les siècles, les idées, féministes, entre autres, persistent et demeurent, universellement. Une seule petite réserve à émettre, le texte, bien qu'il soit passionnant d'un bout à l'autre, ne possède pas véritablement d'élévation, d'avènement intense, donnant une impression un peu monocorde. Néanmoins, ce roman se démarque par son originalité quelque peu paradoxale dans une rentrée littéraire terne et désolante, abordant pourtant quelques thèmes qui réapparaissent dans les livres sortis ces derniers mois, avec cependant un ton et une approche radicalement différents, bref, un petit bijou que cette Juette !
Lucas_Vuilleumi
8
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le 4 juin 2013

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