Une saveur unique

On ouvre un Montalbano comme on retrouve une trattoria dans la campagne sicilienne: avec le plaisir rare de savourer des ingrédients simples et familiers, apprêtés avec la touche de savoir-faire qui leur confère un goût unique. Phénomène éditorial en Italie, les aventures du commissaire gastronome et humaniste imaginé par Andrea Camilleri ont conquis la francophonie grâce aux brillantes traductions de Serge Quadruppani, qui excelle à rendre la langue de l'écrivain sicilien, mélange d'italien «officiel», de dialecte et de parlers populaires. Dans La patience de l'araignée, Montalbano se remet péniblement des séquelles d'une opération, conséquence d'une balle encaissée lors d'une précédente enquête. Ce qui lui permet de suivre plus ou moins en dilettante l'enlèvement très médiatisé d'une jeune fille apparemment bien sous tous rapports. Entre deux ventrées de pâtes et de fruits de mer, il finira par découvrir la vérité en observant une toile d'araignée, représentation métaphorique d'une sombre histoire de famille, pervertie par «une extrême capacité de haïr». Une intrigue fort bien menée, avec l'humour et le supplément d'âme qui font de Camilleri un auteur aussi singulier qu'indispensable.