Résumé


Ouvrage très intéressant pour faire le lien entre marxisme et politiques éducatives, malgré un aspect un peu repoussant sur la forme.


Détails


En effet, Paulo Freire développe ses arguments avec un sens un peu trop prononcé de la répétition et de la reformulation. Si celui-ci est parfois un atout précieux pour faire apprendre, il s'avère un peu trop fort ici. D'autant plus qu'il tartine sur des notions assez simples à comprendre mais ne parvient pas suffisamment à exemplifier ses théories les plus complexes.


Cela est assez perturbant dans les trois premières parties du livre, mais la quatrième vient quelque peu atténuer ce constat. En alternant un peu plus souvent argument et exemple, Paulo Freire est plus clair dans cette dernière partie. Mieux, elle donne l'opportunité de faire une sorte de synthèse de son approche et d'ainsi mieux comprendre ce qu'il a évoqué plus haut.


Tout ceci étant évidemment marqué par un vocabulaire marxiste et philosophique qui pourrait s'avérer parfois rude mais demeure souvent utile, notamment quand on replace ce texte dans le contexte d'effervescence révolutionnaire de la période, d'autant plus en Amérique du Sud. En développant la notion d'aliénation, et d'introjection de l'oppresseur dans l'opprimé·e, Paulo Freire nous permet de comprendre toute la rigueur nécessaire pour libérer le peuple qui n'a pas encore toujours conscience de ses intérêts (différence entre classe en soi et classe pour soi), et rappelle l'impérieuse nécessité de ne pas faire de ce processus de conscientisation un enseignement vertical et "anti-dialogique" entre un enseignant sachant et un élève à remplir de savoir. Avec pertinence, il rappelle les dangers d'un enseignement qu'il qualifie de "bancaire", où l'enseignant déposerait la connaissance dans le crâne vide de l'élève, et y oppose une approche horizontale et "problématisatrice" dans laquelle l'élève est enseignant tout autant que l'enseignant est élève, dans une démarche de "co-opération" pour réfléchir autour de "thèmes générateurs" issus du peuple et aboutir ainsi au "plus-être".


Ainsi, La Pédagogie des opprimés est un ouvrage non seulement utile pour avoir une base théorique pédagogique matérialiste, mais également précieux pour se souvenir du travail perpétuel qu'impliquent la problématisation des thèmes du peuple, et ne jamais oublier de le faire avec lui et non pas pour lui.


Les passages consacrés à la théorie de l'action dialogique et au rôle des leaders révolutionnaires sont d'une grande justesse et semblent s'appliquer de manière quasi intemporelle tant le propos du pédagogue brésilien parait adapter à un nombre incalculable de situations et d'époques.


Enfin l'édition que j'ai lu comprenait une très bonne préface d'Irène Pereira qui revient sur les points clés de compréhension de l'ouvrage, ainsi qu'un dialogue intéressant en fin d'ouvrage entre Paulo Freire et des étudiants.


On pourra également apprécier la mise à jour du texte pour le rendre plus inclusif, dans la lignée des discussions entre Paulo Freire et bell hooks.


8.25/10


Version lue : Parue le 15/09/2023 chez Agone ; traduction d'Élodie Dupau et Melenn Kerhoas ; EAN : 9782748905328




Evan-Risch
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le 21 août 2024

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