Ma première plongée dans l’œuvre de Steinbeck, et j’en ressors plutôt tiède. Si la brièveté du roman permet de ne jamais laisser au lecteur le temps de s’ennuyer, elle n’offre pas non plus à Steinbeck l’occasion de poser véritablement son décor et ses personnages ; la narration est globalement très schématique et dès la découverte de la perle éponyme il n’y a quasi aucune surprise pour le lecteur, tant le déroulé de l’intrigue est convenu et les personnages relégués à un rôle-fonction.
D’ailleurs plus qu’un véritable roman on se retrouve face à un conte, une fable morale et (presque) sociale sur l’avidité et son pouvoir destructeur. Une histoire sur la cruauté du monde des hommes où les pauvres sont violemment exploités par les notables profitant de leur ignorance, et pour peu qu’ils se révoltent, littéralement chassés. Évidemment, Steinbeck, pas complètement naïf, veut nous démontrer comme, sous l’emprise de l’envie, la violence peut poindre même dans un cœur a priori vertueux ; mais trop pressé d’arriver la conclusion de sa dissertation narrative, il délaisse la construction progressive d’une psychologie crédible des personnages pour les faire agir de manière plutôt grossière et caricaturale : il n’y quasiment aucune gradation dans l’escalade de violence des comportements de Kino, qui passe d’un mari visiblement aimant à une brute capable de tabasser sa femme dans la boue. Une transformation qui aurait pu s’entendre, puisqu’en effet dès le début du roman une violence latente se ressent dans son attitude, mais qui aurait gagnée à être amenée plus finement et peut-être en explorant une idée intéressante esquissée mais, comme tout le reste dans ce roman, jamais vraiment utilisée, celle du sentiment ambivalent des autochtones, chez qui le souvenir de l’esclavage et du génocide est encore frais, envers les néo-américains (les colons), mêlé de crainte et de haine profondes.
Cela dit, une fois qu’on prend un peu de recul et qu’on arrive à lire en état de passivité complet la suite des péripéties, puisqu’à partir de là tout va sur des rails, on peut se laisser surprendre par un climax assez féroce où le protagoniste opère un retour à la bestialité primitive, dans un jeu de chat et de la souris plutôt bien ficelé, qui culmine dans un éclatement de violence dont l’issue, moralisatrice et attendue, déçoit, mais fonctionne plutôt tout de même.