Pour moi, un immense soulagement, le livre de B.Pichat, "La Petite Bonne" a échappé au pilon des livres non lus dans la déferlante des romans parus dans cette rentrée littéraire 2024.
Les années 30, un week-end dans une maison bourgeoise en banlieue parisienne.
Un huis clos, trois personnages, trois corps.
La Petite Bonne, jamais nommée et le couple qui l'a engagé, les Daniel, Blaise et Alexandrine.
Le mari est une "gueule cassée", invalide, totalement dépendant de l'aide de son épouse aimante, dévouée, son infirmière depuis presque 20 ans.
Ce week-end là, Alexandrine, avec remords et culpabilité s'échappe de sa tâche quotidienne harassante de subvenir aux besoins de son mari pour une échappée à la campagne, retrouver un semblant de vie bourgeoise, s'aérer.
Blaise le mari, se retrouve enfin seul, face à lui-même avec comme unique compagnie la Petite Bonne.
Il n'a qu'une idée en tête cet homme foudroyé, ancien pianiste qui ne peut plus se servir de ses mains, désespéré, il ne supporte plus sa condition d'homme sans vie.
La Petite Bonne, elle, s'affaire dans son rôle, celui de son dur labeur.
Imprégnée de sa condition, celle de travailler à la dure du matin au soir, les mains gercées et le dos douloureux, veiller au confort de ses employeurs, c'est son gagne pain, son destin.
Elle s'attèle à sa besogne et épuise son corps.
La petite besogneuse et Monsieur Blaise Daniel vont nouer une proximité particulière, inimaginable, inconcevable.
Deux mondes se connectent et font connaissance, mais jusqu'où ?
Trois voix imprègnent le déroulé de l'histoire.
Le savoureux de cette lecture est son écriture faite de deux rythmes, de deux pulsations.
D'un côté les vers libres, des phrases courtes d'une Petite Bonne qui s'exprime enfin librement et la prose classique du couple de bourgeois.
Une alternance, une spirale infernale qui aspire le lecteur.
Dés le début on sent la tragédie, on est embarqué, tout est joué, plié.
Mais l'intrigue demeure jusqu'à la dernière page.
Sublime, innovant, sensuel, ce livre est une dentelle.