Avant tout, mon petit clin d'oeil nostalgique.
Je découvre Barbara Kingsolver en 1996 avec son premier roman : "L'arbre aux haricots", l'histoire d'une jeune femme quittant son Kentucky natal à la découverte de l'ouest des USA. Immense coup de coeur qui va conforter mon addiction pour la littérature américaine, pour les curieux, ce livre aura une suite : "Les cochons au paradis".
Le parcours de cette autrice est varié et impressionnant, la musique, la biologie, l'écologie.
Dès les années 80, elle est une militante engagée.
Elle publie de la poésie, des essais qui parlent de justice sociale, de biodiversité et des romans, dont un qui est une claque pour moi :"Les yeux dans les arbres" qui aborde l'indépendance du Congo belge, une vaste blague. C'est l'abandon notamment des enfants sans accès à l'éducation ni aux soins médicaux. Présente à l'époque, en 1963, avec son père médecin, elle connaît le sujet.
Et c'est pour moi un tremplin, un rapprochement avec son dernier livre.
Nous voilà dans les Appalaches, un environnement qui lui est proche, elle y vit depuis longtemps.
Un des plus beaux décors naturels de ce vaste pays mais ravagé par un fléau, les opioïdes.
Alors plongeons nous dans l'Histoire de cette région, dans ses racines profondes.
Une cambrousse, un lieu rural reculé qui à une époque a été exploitée pour ses ressources naturelles, puis abandonnée avec dégâts sous les bras comme d'hab.
La population, les bouseux deviennent des exclus, des marginaux, des invisibles.
Malgré une communauté soudée de génération en génération, c'est aussi le lieu où la consommation de médicaments, de pilules pour aller mieux et retourner travailler fait rage, nous sommes dans les années 80.
Même si les sociétés pharmaceutiques nient tout risque de dépendance jusqu'à truquer les études qui disent le contraire, le mal est fait et bien enraciné.
On revient aux profiteurs d'avant.
Les fournisseurs miracles connaissent les populations les plus vulnérables et distribuent ces addictifs.
Comme un venin contrairement au nom Copperhead qui signifie vipère et qui est absente dans cette région, le danger vient d'ailleurs.
Des adultes, des parents devenus toxicomanes incapables d'élever leurs enfants qui deviennent des orphelins.
Il est temps de faire connaissance avec l'un d'entre eux : Demon.
Il le dit lui même, il s'est "mis au monde tout seul" dans un mobil home sordide, né d'une jeune femme toxico de 18 ans.
Il devient adulte avant l'heure et prend donc la parole pour raconter son histoire.
Et c'est par hasard que B.K. trouve son inspiration.
Lors d'une visite de la maison de Charles Dickens, elle a un déclic, elle s'empare de la colère, de l'indignation de cet auteur mythique qui lui-même a évoquer le sort des orphelins, maltraités, abusés, exploités, elle comprend comment transposer et transmettre cette histoire d'un autre temps toujours d'actualité (dans le monde).
Son intuition, narrer son roman par la voix d'un enfant.
Alors voilà Demon, il nous prend par la main qu'on ne lâche pas.
Paumé, traumatisé mais bien vivant.
Il déborde, il se carapate, veut prendre le large, plier bagages et aller voir ailleurs.
En colère, tiraillé entre famille d'accueil, exploité et qui a toujours faim.
Quel sera son destin ?!
Suivons le rythme, la musique, la partition sombre mais étonnement drôle
par le langage, les mots de Demon.
Lui même est un créateur, il dessine...
B.K. a dévoré des livres pour voir le monde, ouvrir des fenêtres, se sentir utile.
Survivre pour traverser le sombre et imaginer la lumière et donner sens aux réalités de la vie.
Oubliez l'épaisseur du livre, lisez.