Camille Laurens explore la vie de Marie van Goethem, modèle de la sculpture de Degas, La petite danseuse de quatorze ans. Elle interroge les regards de l’époque sur l’œuvre d’art. Je me suis immergée dans cet essai qui évoque la création artistique, mais aussi les conditions sociales du XIXe siècle.


Qui était-elle ?

Marie Genevieve van Goethem est née le 7 juin 1865 dans un quartier pauvre de Paris. Elle a été placée avec ses sœurs à l’Opéra. Parce qu’elle gagne un peu plus d’argent en posant comme modèle, elle s’absente de la classe de ballet et est renvoyée. On sait qu’elle se livre alors à la prostitution, mais on perd sa trace. Il ne semble pas qu’Edgar Degas l’ait aidée ou soit intervenu en sa faveur.


Alors que la danseuse représente, dans l’imagination populaire, le romantisme, les lumières et la beauté, Edgar Degas dépeint une enfant qui travaille durement et qui ne connaîtra jamais la gloire. Devant la sculpture, des visiteurs sont scandalisés, trouvent le modèle horrible et repoussant, parlent de vice et de laideur, lui dénient le statut d’œuvre d’art. Marie n’en a probablement rien su, l’exposition a eu lieu deux ans après les séances de pose et elle ne savait ni lire ni écrire.

Quant au peintre, il n’a plus jamais montré La petite danseuse de quatorze ans à personne.


A-t-il essayé de dénoncer les conditions de vie de ces malheureuses enfants ? En effet, Marie ne s’épuise-t-elle pas à des exercices harassants, sous la direction de professeurs qui n’ont rien de bienveillant ? Alors qu’elle est trop pauvre pour se nourrir correctement.

C’est peu probable, écrit, Camille Laurens. Edgar Degas était plutôt victime des préjugés de son temps, les savants de l’époque cherchant à prouver qu’il existe des traits criminels (front fuyant, mâchoire prognathe, pommettes saillantes, cheveux épais). Pire encore, des historiens de l’art ont démontré en 1988 que Degas avait accentué certains traits des personnages de son tableau, Physionomies de criminel, conformément aux croyances du XIXe siècle. Ne l’a-t-il pas également fait pour la jeune fille ?


En conclusion, j’aime la phrase de Jacques-Emile Blanche qui écrit que les danseuses de Degas « cessent d’être des nymphes ou papillons… pour retomber dans leur misère et trahir leur vraie condition. » Nous pouvons en effet mettre ce que nous désirons sous le mot « condition ».


Créée

le 31 déc. 2024

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