Dès les premières pages, je ne pouvais pas m’empêcher de comparer le livre avec le seul autre que j’ai lu plus jeune, qui abordait quelques thèmes similaires, à savoir Kiffe kiffe demain de Faïza Guène, sorti en 2004 et lui aussi un premier roman. A l’époque je l’avais lu au collège et aujourd’hui encore, je me souvenais de cette histoire, de Doria, issue d’une famille d’immigration maghrébine, le père tyrannique, rêvant d’un fils, qui les abandonne, elle et sa mère, l’importance de la famille, le racisme, la banlieue parisienne, l’adolescente qui cherche sa place, tout ceci écrit sous un langage familier et abordant une envie de changement et de féminisme. La petite dernière, c’est le Kiffe kiffe demain plus adulte et littéraire, plus ancrée dans le monde actuel, avec sa sexualité notamment. C’est étrange mais dès le résumé, je voulais lire ce livre, quand bien même Fatima et moi, on semblait être comme le jour et la nuit. Elle est d’origine algérienne, je suis française sur plusieurs générations. Elle est musulmane, je suis athée. Elle aime les femmes et moi non. Elle a grandi à Clichy-sous-Bois en banlieue, je vis dans une petite ville à la limite de la Picardie et de la campagne. Et pourtant… Ce sont ces deux phrases sur la quatrième de couverture qui m’ont bouleversé « Adulte, je suis hyper-inadaptée. J'écris des histoires pour éviter de vivre la mienne. ». Ce sont ces deux phrases qui m’ont fait acheter le roman.
Malgré nos différences, je me suis identifiée sur de nombreux points avec Fatima : être une « Mazoziya », l’écriture comme refuge, l’échec dans des études secondaires, un rapport compliqué avec les psychologues, trouver sa place, les temps de transport interminables où on observe les autres, et même les soucis familiaux avec la rébellion de la grande sœur Dounia. Tandis que sur nos différences, j’ai écouté, j’ai appris, j’ai compati : il est impossible de ne pas entrer dans l’histoire de Fatima, de ne pas compatir, même si nous ne partageons pas la même vision. Ce qui est pratique avec La petite dernière, ce que le livre possède des chapitres très courts, parfois composés d’une unique page, qui permet donc aux personnes fâchées avec la lecture de lire à leur rythme. Les plus fanatiques de leur côté, pourront ainsi lire le livre plus rapidement et ce fut mon cas (une petite matinée). On se laisse très vite portée par l’histoire, par ces chapitres qui racontent un évènement, une réflexion, dans un ordre non-chronologique parfois assez distordu (j’ai souvent été perdu sur l’ordre des relations de Fatima). Parfois, j’avais une réelle sensation que c’était Fatima Daas l’auteure, et non plus le personnage, qui nous racontait son histoire, malgré les nombreuses mises à garde de l’écrivaine, en particulier durant les scènes familiales (hors Algérie car cela me paraissait assez distancié) et sa remise en question sur sa sexualité qui est en désaccord complet avec sa religion.
Ce n’est pas un livre militant lesbien, glorifiant l’islam ou dénonçant la politique des banlieues, c’est un livre sur l’identité et comment toutes les concilier. Le personnage de Fatima se trouve ainsi à la fois trop mais aussi pas assez à sa place, elle finira par la trouver en premier par l’écriture, et en assumant ses identités tout comme il l’est sous-entendu à la fin de son histoire, lors de son dernier échange avec sa mère ou en écrivant à Nina. La fin elle-même m’a un peu surprise : elle a un goût d’inachevé mais pour autant, elle signifie plein de choses avec son ouverture. Certains points soulevés me semblaient encore flous dans leur conclusion, la relation avec sa famille mais surtout Nina elle-même
. On nous la vendait comme personnage symbolique dans la vie de Fatima et pourtant je l’ai trouvé bien trop secondaire voire tertiaire, leur histoire d’amour trop floue et je ne voyais pas exactement en quoi elle avait bouleversé la vie de Fatima bien plus que ses conquêtes différentes.
Ce n’est pas la seule à être très discrète, j’aurais aimé en connaître plus sur son amitié avec Rokya. Enfin, mis à part ses quelques frustrations scénaristiques, certains points m’ont gêné comme la fameuse excuse surutilisée dans la fiction de « c’est pour une amie », bien que je me doute que Fatima n’oserait jamais, par pudeur, exposer sa sexualité à l’imam ou à une consœur musulmane. Presque un chapitre entier est dédié à la prière, avec des mots arabes ensuite traduits en français, j’ai trouvé ce passage assez redondant, me faisant même sortir du récit (mais sans doute ma distance avec la religion qui me fait ressentir cette lourdeur) malgré le symbolisme de ces passages.
Malgré ces quelques petits points, j’ai aimé La petite dernière, j’ignore si une suite est utile ou la manière dont l’œuvre pourrait être adaptée sur d’autres médias mais il a réussi à me fasciner, à m’identifier à une personne auquel on semble s’opposer sur de nombreuses facettes. Si je n’avais pas étudié le phénomène de la rentrée littéraire durant mes études, je serais complètement passée à côté de telles découvertes dont fait partie ce livre. Une lecture rapide, un personnage qui se construit aux semblants contradictoires auxquels on s’attache durant son parcours atypique, des sous-entendus qui en signifient tant. Un livre qui mérite donc d’être découvert et encourage autant à assumer qui on est qu’à faire respecter nos différentes identités.