Ca va finir comme le Vietnam...

La quatrième de couverture te l'annonce et quand tu trouves un corps ensanglanté dans les dix premières pages, tu te dis oui, c'est bien un thriller, et ça va y aller sévère.
Mais pourtant, ça prend son temps. On suit un chemin facile, celui de Richard, regardant d'un œil averti de routard anglais et désabusé l'arrogante stupidité des touristes occidentaux. Ce qu'il veut lui, c'est l'expérience unique, l'aventure. Alors la promesse évocatrice d'une plage, d'un éden interdit et caché aux yeux de tous devient tentantes. Enhardi d'un côté par un béguin facile pour Françoise et d'un autre par la compétition avec Étienne, un couple de routard français, le voilà sur la route de ce paradis sur terre avec tout plein de références à la pop culture en bouche. L'Agence tout risque, les jeux-vidéos nintendo, Platoon, etc. Notre jeune backpacker a même beaucoup d'humour, et quand il se retrouve à voyager en rang serré à l'arrière d'une jeep avec d'autre occidentaux, tu l'entends chuchoter "Delta Dix-Neuf, ici Patrouille Alpha".
Mais toutes ces références à la guerre du vietnam prennent un autre sens quand notre cher Richard commence à faire des petits délires MartinSheenesque (je gagne toujours aux concours de néologisme). Et là tu commences à sentir un truc bizarre, serait-ce l'odeur du napalm au matin ?
Mais cette drôle de sensation passe assez vite pour l'ignorer et tu reprends le voyage... pour arriver comme petit nouveau dans une classe d'hédonistes bronzés avec les pieds plantés dans le sable fin d'un lagon à l'eau turquoise. Que de couleurs et de textures qui te font oublier que t'as lu des flingues quelques pages avant. Et encore quelques parties de Game Boy, de pêches et pléthore de joints plus loin tu penses pour toi même que le paradis existe peut-être vraiment. Mais pas trop vite mon coco, car quand s'immiscent jalousie, compétition, querelles infantiles et mensonges, là tu comprends ce que c'était cette odeur. Bah oui, c'est que ça sent la merde en fait !
Alors tu donnes du nez un peu à l'aveugle, t'essaies de comprendre d'où ça vient et vu que tu trouves pas vraiment tu reprends ton récit savamment truffé de petites leçons pas trop moralisatrices (parce que c'est toujours chiant ça) sur les difficultés de la vie en société, sur le talent humain à tout foutre en l'air et bien d'autres.
Et puis à nouveau quand la réalité se fait une place dans ce groupe qui se met à courir entre les désillusions, cette fois là tu la sens carrément cette odeur de merde. Alors tu tâtonnes entre les cocotiers et quand dans les dernières pages du livre tu découvres l'étron si bien dissimulé entre les feuilles de bananiers, tu restes bouche bée devant l'énormité du truc et t'appelles Alex Garland pour lui demander si il en a d'autres des comme ça.
Enfin tout ça pour dire que je conseille vivement.