Mais combien de traductions a donc eu ce titre de Virginia Woolf ? En tout cas, je l'ai écouté en audiolivre pendant que je peignais, lu par Fanny Ardant. Grande écrivaine et grande comédienne réunies, j'aurais dû me régaler. Figurez-vous que pas du tout. En lisant Mrs. Dalloway, j'avais déjà dû lutter farouchement avec le style pas vraiment léger de l'écrivaine, plein d'incises, de circonvolutions et d'atermoiements. J'avais aussi admiré ses soudains changements de point de vue, sa virtuosité à passer d'un personnage à l'autre, sans toutefois me laisser complètement séduire par cette manière de virevolter comme pour picorer l'épi de tous les côtés à la fois. Je comprends le propos, mais, à la lecture, je n'avais pas pu m'empêcher de trouver ça passablement indigeste. Au point que j'avais préféré The hours au roman qui l'avait inspiré. Probablement une hérésie, mais on est la lectrice qu'on est. Cette fois, j'espérais bien m'amender et pouvoir admirer sans arrière-pensée l'autrice d'Une chambre à soi, qui m'avait convaincue. Las, encore une fois, chou blanc. Voire huile de foie de morue, parce que la mixture est amère. L'abondance de subordonnées et de volte-face atteint ici des sommets que la lecture horripilante de Fanny Ardant ne fait que rendre plus insurmontables. Mais quelle manie a-t-elle dont de couper n'importe où, entre" bien" et "que" s'il le faut, et de lancer sa voix de manière systématique sur les mots les moins indispensables de la phrase ? De quoi sortir l'auditrice de l'histoire à chaque phrase ou presque. Je veux bien que son phrasé soit unique, tout ça, mais quand même, ça n'empêche de respecter ni le texte ni la syntaxe ! Du coup, on repère malgré soi la surabondance de "car" et de "mais" et les tergiversations terrifiantes de la narratrice se doublent de tics langagiers exaspérants. Ça fait beaucoup. Enfin, tout du moins, ça fait trop pour moi, qui me suis perdue dans la pensée flottante de Miss Woolf, qui semble incapable de tenir quoi que ce soit pour certain, et la ritournelle agaçante d'une lectrice dont on se demande si elle-même n'aurait pas été tout à faire larguée par les élans tarabiscotés interminables de ces phrases tatillonnes. L'asphyxie me guettait et la phrase finale, qui pose un point final aussi bien vu que bienvenu, m'a trouvée le doigt sur le numéro des urgences. Evidemment, la critique a encensé cette version; sans commentaire, laissez-moi profiter de ma perfusion.
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