"Elle aimait les jolies histoires, ma mère. Je lui en ai raconté beaucoup"

On devrait tous écrire un livre sur sa mère (j'ai commencé à la raconter dès l'école, dans mes dissertations d'écolière, et pourtant, même aujourd'hui, j'ai l'impression de pas encore avoir fait le tour de la question).


De là à réussir le tour de force de Romain Kacew/Gary...
Le style fluide, qui ne donne jamais l'air de forcer. Dessous, de très jolis moment de poésie, des métaphores qu'il faut savoir débusquer au détour d'une phrase, et qui vous arrêtent net ("je vois la vie comme une grande course de relais où chacun de nous avant de tomber, doit porter plus loin le défi d'être un homme").
Le sens de la formule, souvent, comme pour décrire les travers de sa mère, sorte d'OSS117 russe à chignon gris ("Un de ces billets, d'une écriture énergique, aux grandes lettres penchées en avant et qui paraissaient déjà foncer sur l'ennemi, m'annonçait simplement que "La France vaincra parce qu'elle est la France", et , encore aujourd'hui, je trouve qu'on n'a jamais prédit plus clairement notre défaite de 40, ni mieux exprimé notre manque de préparation"). Jamais de longueur, et pourtant, on en voit du chemin : Russie, Pologne, Nice, Paris, Casablanca,... Entrecoupés de plage, Big Sur (c'est en Californie, je me suis renseignée), qui offre l'un des plus jolis moment, très optimiste mais aussi très mélancolique, sur le poids des morts pour celui qui vit ("**.


Des scènes grotesques, de théâtre de grand boulevard :
- l'affaire de l'attentat manqué contre Hitler ("L'idée de courir immédiatement à Berlin, en troisième classe, bien entendu, pour tuer Hitler en pleine canicule, avec tout ce que cela supposait d'énervement, de fatigue et de préparatifs, ne me souriant guère" ;
- celle du duel avec les Polonais avec, en son milieu, la merveilleuse réplique du capitaine anglais, monocle sur l'oeil ;
- et celle du bateau rempli de jeunes hommes dans lequel voyageait une centaine de jeunes anglaises de bonne famille ("comment le bateau n'a pas pris feu, je me le demande encore")


J'ai noté ces deux réflexions sur Dieu, que je pose là :


"L'automne approchait et mon départ pour Paris devenait imminent. Huit jours avant l'embarquement pour Babylone, ma mère fit une crise religieuse. Jusque-là, je ne l'avais jamais entendue parler de Dieu autrement qu'avec un certain respect bourgeois, comme de quelqu'un qui a très bien réussi"


"Et cependant, le mot "athée" m'est insupportable ; je le trouve bête, étriqué, il sent la mauvaise poussière des siècles, il fait vieux jeu et borné d'une certaine façon bourgeoise et réactionnaire que je ne peux pas définir, mais qui me mets hors de moi, comme tout ce qui est satisfait de soi et se prétend avec suffisance entièrement affranchi et renseigné."


Bref, j'ai encore beaucoup de travail.

Sharingen
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le 2 févr. 2018

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Bianca W

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