Pour une fois, la passion que Balzac veut dépeindre est la recherche de la science, un sujet qui lui tenait à coeur, vu son goût pour les théories spiritualistes de Swedenborg.

Un riche et noble Flamand de Douai, Balthazar Claes, ancien élève de Condorcet, mène une vie bourgeoise, jusqu'au jour où la rencontre d'un Polonais amateur de science réveille en lui le démon de la recherche : il cherche l'absolu, une substance neutre qui constituerait toutes les matières inanimées. Le maîtriser, c'est maîtriser la matière. Claes y consacre toute sa fortune, fait mourir sa femme de chagrin, oublie son devoir de père alors que seule sa fille aînée, Marguerite, est majeure. La fille et le gendre arrivent à rétablir la maison dans son état premier, au prix de grands efforts, et le père déchu travaille en Bretagne. En rentrant, on découvre un diamant dans une expérience abandonnée. Claes rechute à la faveur d'une absence de sa fille. Emporté par une attaque, il meurt en ayant eu la révélation, mais sans pouvoir la communiquer.

Le début de ce roman est fort rebutant : Balzac prend peut-être 100 pages à planter le décor de la ville de Douai, de la maison de Claes, de l'état de sa fortune et surtout de sa relation avec sa femme. Or ce cadre, quoiqu'éclairé par l'esthétique des peintres du Nord, est un cadre bourgeois assez banal. Le roman démarre vraiment quand Joséphine, la femme de Claes, arrive à lui faire avouer le démon qui le ronge. Et là, le récit devient très prenant. On suit la chute progressive de la maison, la vente de tableaux, d'argenterie, les traites qui ne cessent d'arriver. Il y a peu de scènes dans le laboratoire, mais elles sont assez évocatrices.

Comme souvent chez Balzac, les scènes les plus dramatiques sont si nettement décrites qu'elles sont de véritables gravures.

Quant à l'enjeu scientifique, après son exposition, il reste un peu dans le vague. Là où un Jules Verne se serait délecté de la description d'expériences, etc..., Balzac nous parle de la fumée du laboratoire et des transformations physiques et morales des personnages. Mais la force de Balzac, comme dit dans une autre critique, tient à ce qu'on garde une véritable admiration pour ce savant : Claes est un génie, si le doute persiste, il est levé à la fin. On a là un pendant inverse du "Chef d'oeuvre inconnu".

C'est un Balzac au début un peu rebutant, mais à la deuxième partie haletante et bien menée. A recommander.

Je l'ai lu en Folio, édition qui comporte aussi une nouvelle plaisante, "La messe de l'athée", qui met en scène le jeune Bianchon, alors interne pour un grand chirurgien, Desplein. Desplein, inspiré de Dupuytren, est un chirurgien athée de grand talent. Bianchon le surprend un jour entrer dans l'église Saint-Sulpice et à écouter une messe. Le fait se reproduisant l'année suivante, il se place à côté de son maître, et à la sortie lui demande une explication. Desplein raconte que lorsqu'il connut la misère noire des années d'étude à Paris, un porteur d'eau auvergnat, chassé de son appartement en même temps que lui, décida de sacrifier ses économies pour lui permettre de devenir ce qu'il est : un grand chirurgien. Par respect pour la religion de cet homme, il donne quatre messes par an pour lui et y assiste.

C'est une nouvelle efficace, avec quelques allusions à Rabelais, une grande tolérance religieuse, un pathétique de bon aloi.
zardoz6704
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le 24 mars 2013

Modifiée

le 1 avr. 2013

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