Faire de la guerre une poésie, des batailles des vers et des duels les syllabes, c'est véritablement ce que renferme ce roman assez épais (950 pages) de Tim Willocks médecin-écrivain-chirurgien qui met à contribution tout son savoir pour notre bonheur.
Tout d'abord la rencontre avec Mattias Tanhausser, le géant hongrois, qui se révèle être un personnage fascinant, attachant, poétique et grand guerrier. On partage son quotidien, ses doutes, ses peurs, son amour, sa violence, ses passions et ses envolées lyriques :
En abandonnant leurs rangs, tant d'années auparavant, il avait abandonné une partie de son âme ; mais s'il ne l'avait pas fait, il aurait perdu l'intégralité de son âme car tel aurait été le prix des sombres exploits qu'on exigeait de lui.
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La supériorité d'esprit et de caractère ne - si tel est notre idéal - ne coule pas dans nos veines, mais provient de la manière dont nous conduisons nos vies.
Le décor ensuite qui évolue et s'assombrit au fur et à mesure que la bataille de Malte se poursuit, les scènes apocalyptiques très bien décrites par l'auteur qui nous soumet à une immersion complète.
Les intrigues, les personnages, les scènes de batailles mythiques qui nous transportent sur le petit archipel au plus près du conflit.
Il inhala la puanteur écumeuse de semaines de privations, d'urine évacuée par la mort et si dénaturée par la soif qu'elle était presque noire. Il sentit la résistance obscène de la chair morte et encore dense qui servait d'oreiller à sa joue. Tannhauser avait rampé à travers les boyaux de l'obscurité humaine jusqu'à finir dans ses excréments, là, luttant maintenant contre un sommeil de drogué (...)
L'amour et le sexe enfin, évoqués avec poésie et violence parfois qui occupent une place de choix dans le roman. L'auteur parvient à ne pas tomber dans les clichés trop souvent utilisés et maîtrise totalement son écriture. Carla et Amparo n'ont pas fini de nous faire rêver.. :
D'autre encore semblaient médusés ou ahuris, comme si le gouffre séparant la beauté de cette musique et la catastrophe autour d'eux était trop large pour qu'un pont puisse jamais l'enjamber.
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Petrus Grubenius émettait l'hypothèse que les larmes soient en fait du sang, dont la puissance a été extraite par les membranes du cerveau. Il ne pouvait pas le prouver, mais il est vrai qu'elles ont un goût similaire : plus salé que l'urine, mais moins que l'eau salé. Il pensait que pleurer était très bon pour la santé, un substitut de la nature au saignées que les chirurgiens nous imposent avec tant d'allégresse.
Et que dire de Bors, Orlandu, Ludovico qui nous accompagnent tout au long de ce roman, participant à l'intrigue et qui le rende si palpitant, un véritable chef d'oeuvre que je vous conseille d'aller acheter très rapidement.