Le siège de Malte de 1565 est le théâtre d'un choc entre deux grandes civilisations: puissance militaire, puissance de la foi, goût du pouvoir et de la domination, magnificence, ambition universaliste et certitude de détenir la Vérité. Elles surenchérissent néanmoins dans la violence, l'horreur jusqu'à la folie, l'intolérance, la manipulation, les injustices en tous genres. Les personnages sont comme ballottés par les évènements.
Mattias Tannhauser n'est pas de ceux-là. Personnage caméléon et magnant à la perfection les cultures des deux camps, il évolue comme un poisson dans l'eau entre ces deux mondes qui se haïssent, surfant sur leurs contradictions et prenant le meilleur des deux. Riche de cette double culture, il peut être lucide sur les enjeux sous-jacents de ces affrontements. Il a cette sagesse rare. Sa trajectoire l'a rendu pragmatique et opportuniste, sans pour autant être totalement cynique. En effet les simples individus sont aussi les pions des puissants par l'intermédiaire desquels ils s'affrontent à grand renfort de discours théologiques et civilisationnels qui cachent parfois mal les stratégies et manoeuvres personnelles. Comme eux, il ne perd donc jamais de vu les objectifs qu'il s'est fixé, sans pour autant manquer d'une certaine intégrité.
Tim Willocks, non avare en détails sordides, nous décrit de la manière la plus réaliste la façon dont se déroulaient ces affrontements au XVIème siècle (les bombardements incessants, la sueur, le sang, la peur, la souffrance physique et morale, les membres arrachés, la matière fécale, le vomi, rien n'est oublié). En ressort ce sentiment que la violence et la volonté de domination font partie intégrante de la nature et de l'histoire humaine.