La vie incroyable d’Aliénor d’Aquitaine a inspiré de nombreux auteurs de fiction. Successivement reine de France puis reine d’Angleterre dans un XIIe siècle où l’Aquitaine est au cœur de toutes les convoitises, cette femme connue pour sa culture et son intransigeance participe à la deuxième croisade et survit à quinze ans de captivité, emprisonnée par son propre mari. Dans le monde anglophone, la trilogie d’Elizabeth Chadwick a rencontré un grand succès (l’auteure y inclue une bonne dose de romance et fait d’Aliénor une féministe avant l’heure). En 2015, la journaliste française Clara Dupont-Monod s’est elle aussi attaqué au mythe en publiant Le roi disait que j’étais diable, un roman consacré à la première partie de la vie d’Aliénor, alors qu’elle est reine de France. La révolte fait suite à ce premier roman et décrit l’arrivée d’Aliénor en Angleterre, la révolte qui l’oppose à son mari Henri II, puis ses années de captivité et son ultime revanche.
Dupont-Monod ne cache pas qu’elle prend beaucoup de libertés avec les faits historiques. Elle évite pourtant les anachronismes et truffe son récit de détails pittoresques, comme par exemple lorsqu’elle décrit les superstitions ayant court à la campagne :
Ici, lorsqu’on approche de la maison d’un malade, on retourne les
pierres du chemin. Si un animal vivant se trouve dessous, le malade
vivra.
Son écriture puissante et très imagée révèle des personnages violents, aveuglés par l’ambition, la passion ou le dépit. Elle décrit un Moyen Age impitoyable dans lequel les faibles n’ont aucune place à la Cour et où chacun est menacé de mort à tout moment. Et surtout, elle décrit une famille dans laquelle les relations sont extrêmement violentes : entre frères, entre époux, et même entre parents et enfants. Comme le souligne le narrateur :
L’ironie [c’est que] le ressentiment soude la famille.
L’originalité de La révolte tient en grande partie au fait que le récit est principalement raconté du point de vue de Richard « Cœur de Lion ». L’introduction d’autres points de vue au sein de certains chapitres est d’ailleurs parfois un peu déroutante et affecte la fluidité du récit. Fils d’Aliénor et d’Henri, Richard succède au trône d’Angleterre en 1189 après le décès de ses frères aînés. Sa relation quasi incestueuse avec sa mère, telle qu’inventée par Dupont-Monod, créé un climat de tension intense voire malsaine qui donne aux grands évènements historiques (la révolte de 1173-1174, la troisième croisade…) une dimension très personnelle.
Le style est parfois inégal et certaines insertions comme les lettres d’Henri à son fils et d’Aélis à son fiancé ne sont pas toujours très convaincantes. Les chapitres consacrés à la troisième croisade paraissent également un peu longs. Toutefois, le résultat final reste une belle réussite. Les passionnés d’histoire retrouveront dans le roman tous les éléments clés du règne d’Aliénor, sans que la fiction ne soit pour autant en reste. Une lecture instructive, surprenante et agréable.