Quand on était sur la route, au temps des ultimes gelées...
En cette période de paranoïa collective et de délire fantasque de fin du monde, il est toujours plaisant de se plonger dans un bon vieux classique du récit post apocalyptique. Ici pas de ridicules météorites décimant des populations entières, de mers recouvrant les continents entiers ou encore d'extraterrestres venant effectuer leur voyage de vacance millénaire sur notre bonne vieille Terre. La route décrit une vision terriblement réaliste et crédible de l'effondrement des sociétés humaines, décimées par un ensemble de pénuries dont l'auteur tait les causes. Car ce n'est pas tant la raison du cataclysme qui est centrale dans son oeuvre mais son propre questionnement sur la capacité des Hommes à conserver leur humanité malgré leurs multiples souffrances et leur désir de survivre au prix de tout sacrifice.
Dans son style minimaliste, ce cher Cormac met tout d'abord à rude épreuve les nerfs du lecteur avec sa ponctuation (trop) récurrente et ses dialogues redondant, achevés par ses sempiternels "D'accord","D'accord" et "D'accord" !! J'ai ressenti comme tant d'autres lecteurs une lecture vaine et qui ne semblait pas définir un monde particulier et s'embourbait dans des descriptions de situations identiques dans leur cheminement les unes par rapport aux autres. Mais peu à peu, ces choix stylistiques prennent tout leur sens. Les rapports entre les pères et l'enfant tout d'abord s'inscrivent dans une logique d'initiation et de transmission des quelques brides marquant les différents caractéristiques propres à l'humanité (du moins jusqu'à preuve que les martiens viennent installer leurs multinationales sur notre jolie planète). Soit l'empathie pouvant être exprimé envers son prochain, le contrôle de soi et de ses pulsions ainsi que la capacité à privilégier le dialogue et le partage à l'intimidation et la préservation de ses trouvailles à sa propre subsistance. Le récit est donc humaniste dans le sens où il décrit honnêtement l'ensemble des horreurs telles que l'esclavage, le cannibalisme ou encore l'infanticide dont l'humanité peut se montrer responsable une fois ses institutions effondrées mais aussi la volonté manifeste d'une partie de celle-ci de préserver l'ensemble des savoirs qui leur ont permis de vivre avec tout un chacun.
Je vous recommande donc de dépasser les laborieuses premières dizaines de pages pour vous immerger dans cette intéressante réflexion sur la nature humaine ainsi que pour profiter des quelques pages poétiques que se réservent McCarthy pour faire ressortir l'étrange beauté de la désolation humaine.