Encore un livre devant lequel j'avais un peu d'appréhension, du fait d'avoir découvert l'adaptation cinématographique avant d'avoir lu l'ouvrage originel. Du même auteur par exemple, j'avais eu du mal à me plonger pleinement dans « No Country for Old Men », à cause des images du film des frères Coen qui me revenaient sans cesse en tête, mettant ainsi à mal mon imagination de l'interprétation des mots, chose essentielle dans cette activité qu'est la lecture. Mais cela a-t-il été le cas pour La Route ? Autant être clair, absolument pas, c'est une redécouverte de l'œuvre que j'ai pu faire à cette occasion.
Pour commencer, une des choses qui captive lors de la lecture de ce roman, est le style de l'auteur. Celui-ci d'ailleurs comparé à d'autres grands auteurs américains comme Faulkner, avec qui j'ai personnellement eu une expérience un peu compliqué, mais bon passons. Bien entendu le style de McCarthy reste atypique, très « serré », haché, direct, agressif, sec, complexe, mais qui paradoxalement (?) a un côté sublime, envoûtant, lyrique, et qui lorsque l'on accroche peut se révéler véritablement ensorcelant, et nous emporter, nous bercer jusqu'aux derniers mots du roman. Bien entendu, qui dit style atypique, dit possibles réfractaires, mais mon cher Titouan tu feras plus tard un effort pour le relire, ou plutôt de le terminer, vil manant !
Un homme, son fils, sans identités précises, et leur caddie suivent une route dans un monde dévasté, au côté d'une nature en pleine déliquescence. Voilà le postulat de départ, simple, clair, limpide. Mais au contraire d'autres auteurs qui nous livrent les raisons de cet État du monde, McCarthy nous laisse dans le brouillard, la brume, l'aveuglement. On ne sait pas ce qu'il s'est passé pour en arriver ici, nous n'avons aucune explication, et nous sommes directement plongé dans cet univers sombre, en pleine désolation, décomposition, et mis sur un pied d'égalité avec les personnages du roman, sevrés d'explications, perdus dans un monde en détresse.
Ainsi, ceux-ci suivent un objectif, une destination chimérique, en suivant cette fameuse route, sans fin. Il faut avancer pour exister.
Une des grandes forces du roman est son ambiance, d'une puissance rare. « Pessimiste », fataliste, oppressante, angoissante, glaçante, envoutante, éprouvante, voire étouffante. Le lecteur est pris à la gorge, littéralement. De même que la rareté et la concision des dialogues, la dépersonnalisation du récit, ainsi que la structure même du livre, sans chapitres, fait de courts paragraphes, tend à faire ressentir au lecteur cette désolation ambiante.
La relation père fils proposée est assez formidablement retranscrite, chacun apportant à l'autre. Par exemple pour le père, la présence et la sauvegarde de son fils est véritablement la seule chose qui lui donne une raison d'exister, de vivre, sa seule accroche qui lui permet encore de rester humain. C'est ainsi pour lui qu'il va se battre pour leur survie. L'enfant est d'ailleurs, cela m'a surpris, à travers les échanges qu'il a avec son père, véritablement frappants, étonnamment conscient de l'univers dans lequel il vit, d'une violence omniprésente, impitoyable, cet univers déshumanisé, cette fin de la civilisation, où les hommes sont semblables à des bêtes, condamnés à survivre et non plus vivre, où le chacun pour soi prédomine, où les forces du Bien semblent bien pauvres pour lutter contre le Mal ambiant, mais dans lequel, une flamme est toujours allumée, alors, finalement, tout n'est pas perdu.
La route, l'Apocalypse selon Saint McCarthy, est donc pour moi un roman à ne pas rater, qui ne plaira certes pas à tout le monde, mais qui possède une identité propre qui n'en laissera pas beaucoup indemne.
A lire.
PS : Pour ceux qui aimerait lire une autre critique, plus approfondie et mieux écrite, je vous conseille celle de SanFelice, que j'ai trouvé de très bonne qualité (http://www.senscritique.com/livre/La_Route/critique/26979305)