La Route
7.6
La Route

livre de Cormac McCarthy (2006)

Prenez une craie et tracez une silhouette de forme humaine sur un mur blanc et inscrivez dedans "l'homme". Tracez à côté une autre forme humaine, plus petite, et inscrivez dedans "l'enfant". Vous aurez sous vos yeux ce qui ressemble le plus aux personnages de ce roman. Aucun nom, aucune description physique. On ne connaîtra pas non plus leur âge. L'homme et l'enfant n'ont également aucune personnalité, aucun trait de caractère saillant. Ils sont désespérément neutres.
Un exemple qui m'a particulièrement frappé : lorsque l'homme se souvient d'un dialogue avec sa femme, il l'appelle "femme". Ainsi même les rêves et les souvenirs sont dépersonnalisés.
C'est le principal reproche que je ferais au roman, car c'est manifestement un choix réfléchi de l'auteur de transformer ses personnages en archétypes mais, à mes yeux, c'est un mauvais choix. En désincarnant aussi absolument ses personnages, il m'a empêché d'y attacher la moindre empathie.
Le problème c'est que le roman ne raconte rien d'autre que la relation du père et du fils. Si je ne ressens rien pour eux, il ne reste plus grand chose à sauver. Ce n'est pas l'histoire qui est en cause, mais vraiment le style de l'auteur qui ne m'a pas convaincu.
Car, à l'image des personnages, le style d'écriture est tout aussi neutre. L'auteur s'applique à une économie de moyens radicale qui m'a laissé dubitatif. Pratiquement aucune description au-delà du strict nécessaire pour comprendre l'action en cours. J'ai au la désagréable impression que l'auteur s'acharnait vraiment à ce qu'aucune ambiance ne se dégage du récit. Les phrases sont plates et sans style et ne font que raconter mécaniquement ce que font l'homme et l'enfant, et ce qu'ils font n'est pas très palpitant, à de rares passages près. Ils marchent, cherchent à manger et un coin pour dormir et recommencent le lendemain. Il faut attendre presque la moitié du roman pour que cette routine cesse, et seulement le temps de quelques'pages. Le reste du temps, c'est long et monotone.
Même grief pour les dialogues, suites de phrases courtes, quasi télégraphiques, qui renforcent le côté neutre des personnages, dissipant par là-même toute émotion possible, malgré le tragique des situations.

Je vais m'arrêter là car on aura compris que je n'ai pas aimé le roman. C'est malheureux parce que le film m'avait plu. J'ai versé ma petite larme à la fin, notamment parce que Viggo Mortensen et Kodi Smit-McPhee ont une présence et une épaisseur qui m'a permit de m'attacher à eux. Mais je n'ai pas aimé comment Cormac McCarthy racontait son histoire.

Pour la note, un 2 ou un 3 reflèteraient probablement mieux mon avis, mais j'ai préféré mettre un 5. Une note neutre, comme le roman.

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le 27 janv. 2015

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Loki Asgarder

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