La route est un chef d’œuvre. Cormac McCarthy réussit à créer une ambiance extrêmement lourde avec une légèreté d'écriture édifiante. Je me demande encore comment il est parvenu à créer l'alchimie parfaite entre les mots et l'imagination de ses lecteurs.
Le monde décrit est bien entendu aux antipodes de nos sociétés occidentales, qui ont érigé le superflu en étendard, et qui bafouent quotidiennement les valeurs morales ou éthiques. Cette critique sous-jacente est le propre de toute œuvre post-apocalyptique, et ce n'est donc pas en ça que La Route se distingue plus que d'autres romans du même genre.
Non, la véritable originalité, c'est le style employé. Une écriture semblant émaner d'un homme vivant dans le monde qu'il décrit. Cormac n'a pas le temps de se perdre dans des descriptions interminables. Il va droit au but.
Ainsi, la description de la relation père-fils ne sombre jamais dans le larmoyant, aucun des mots prononcé par l'homme et son fils n'est superflu. Ils ne sont pour autant pas déshumanisés, bien au contraire : ils sont réhumanisés. Le terme n'existe pas, mais il aurait pu être créé à la suite de ce livre. Loin des enfants gâtés de notre société, de l'ultra-individualisme roi, du consumérisme absolu et du règne de l'apparence que le lecteur côtoie chaque jour, l'homme et son fils nous offrent une relation d'amour absolu, luttant pour leur survie, et considérant chaque jour de plus comme une victoire.
Paradoxalement, cette relation évolue au milieu d'une société humaine désagrégée, revenue au stade animal, dans laquelle la survie justifie toutes les atrocités.
Le livre se dévore en quelques heures, et marque le lecteur pour des années. Un tour de magie littéraire.