La Saignée
7.4
La Saignée

livre de Cédric Sire (2021)

Faire un tour sur le Dark Web, c'est peu recommandé. Lieu virtuel de vices et d'immoralité, il était à investir par la fiction. C'est ce qu'à fait Cédric Sire, mais a-t-il su le faire ? Je ne ressors pas émerveillée ni chamboulée de cette lecture, et je vais vous dire pourquoi.


Quand des givrés torturent des inconnus par visio-conférence devant des malades avides de violence - trop lâches pour se salire directement le mains - ayant payé pour assister au massacre, une enquête est lancée et menée par un cyber-flic de marseille et une co-saisine parisienne. Quel rôle joue Estel Rochand, ex-flic reconvertie en garde-de-corps, dans ce beau merdier ?


Le prologue est efficace. En une scène in medias res crade et malsaine, Cédric Sire pose de suite le décors. Et déjà, on se pose des questions d’éthique, de morale, de liberté et de légalité informatique. Mais l'engouement est vite retombé de mon côté. Ce n'est que 100 pages plus loin que j'ai regagné en intérêt pour cette histoire, parce que les indices commençent enfin à parler. Puis rapidement, certaines choses m'ont gênée, notamment le comportement de quelques personnages qui font d'Estel une femme naïve, presque idiote, alors qu'elle est une ancienne flic qui n'a pas été présentée comme étant facile à berner... Dès qu'il y a incohérence chez les personnages, ça me gêne.


L'absence de style de l'auteur est à déplorer, mais sa plume sert le rythme effréné après lequel courent la plupart des lecteur.ice.s d'aujourd'hui. Je ne peux lui retirer ça, le temps mort ne fait pas partie de la structure romanesque de La Saignée. Même si l'enchaînement de chapitres artificiellement courts active la lecture et que le suspens n'est, selon moi, pas tellement au rendez-vous, l'auteur en a fait un vrai page-turner. C'est à la mode.


Ce que je retiens surtout, c'est l'utilisation du narrateur omniscient qui saute d'un personnage à l'autre suivant les chapitres. Ainsi, nous pouvons suivre parallèlement les intrigues, pourtant d'abord distinctes, d'Estel et de Quentin, et ce jusqu'à ce qu'elles se rencontrent et ne forment plus qu'un seul et même noeud. C'est un bon moyen de semer des indices pour l'enquête. Mais le revers de la médaille - risque courant - c'est que je ne suis pas parvenue à m'identifier ni à m'attacher à quique ce soit dans le lot.


J'ai pourtant beaucoup aimé le traitement des personnages féminins de cette histoire. #Metoo y est sans doute pour quelque chose. Ici, les femmes ne sont pas réduites à des stéréotypes : la geek déliquante et amoureuse, la garde-du-corps sportive et bagareuse, la flic intuitive et déterminée. Je passe sur la psy qui me semble à peine travaillée. Les hommes, eux, sont moins biens traités, mis à part Léo peut-être. Il y a un flic borné, impulsif, qui a soif de gloire. Les patrons d’Estel sont des profiteurs manipulateurs qui surfent sur le mal. Et les autres sont quasiment absents, en fait.


Finalement, après Meurtres pour rédemption, ce roman me semble fade. La Marianne de Karine Giebel était bien plus impressionnante et battante qu'Estel, plus attachante surtout et plus complexe, peut-être. La violence, je l'ai mieux connue dans Meurtres pour rédemption, mais aussi dans les Franck Thilliez que j'ai lus, et notamment dans Train d'Enfer pour Ange rouge. Je n'ai pas trouvé les combats particulièrement bien décrits, au contraire, je les ai trouvés mécaniques et parfois impossibles à visualiser. Le genre de scène qu'on passe en lisant en diagonale.


Pour ce qui est du dénouement, et des réponses aux questions des lecteur.ice.s, j'ai trouvé ça bien fait. Mais je n'ai pas été surprise. Je comprenais la suite quelques pages avant qu'elle ne soit écrite, tout le temps, quand ce n'était pas bien avant, ce qui me donnait simplement la satisfaction d'avoir élucidé l'enquête avant d'en lire le résultat. Mais ce n'est pas ce que je cherche dans un policier comme celui-ci. J'aime les surprises. Et heureusement, j'en ai quand même eu une ou deux sur la fin. Je n'en dirai pas plus !


A vous de vous en faire votre idée.

abauteure
6
Écrit par

Créée

le 6 mars 2022

Critique lue 115 fois

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