Mais qui est la seconde ?
C'est en effet LA question que pose le titre du livre et que le livre ne résout pas. C'est LA question qui structure le roman : l'histoire d'une femme, Fanny, dont le mari, Farou, multiplie les aventures, et qui le tolère avec une sorte de tranquillité souriante jusqu'à ce qu'elle apprenne que sa seule amie qui vit chez eux, Jane, la secrétaire de Farou, est une des amantes de ce dernier. Ainsi, la seconde, est-ce Jane ou Fanny ? Fanny, personnage principal, qui est depuis 12 ans mariée à Farou, lequel s'occupe d'elle comme au premier jour et est au premier rang officiellement - ou Jane, cette amante un peu plus que passagère et lunatique, à la fois fragile et d'une confiance débordante en tout, qui vit en toute impunité au milieu du couple ? Sans compter la nature - assez ambiguë, quasi-fusionnelle, ambivalente - de la relation entre les deux femmes. L'insouciance, la négligence, la tendresse de Farou. Le détachement, la force, l'amour idéalisé, les questions de Fanny. Et n'oublions pas Jean, dit le petit Farou, follement épris de Jane, portrait assez magnifique d'adolescent.
La Seconde est un beau roman, assez court, assez simple au fond, qui touche par la qualité des personnalités, le style de Colette très particulier, à la fois simple, aisé, et sinueux, poétique sans chichis. Qui m'agaçait au début, peut-être parce que (attention ce que je vais dire est très pédant) j'avais l'impression d'écrire un peu comme elle dans mes petites tentatives plumesques. Le style sert de plus particulièrement bien l'histoire et en particulier la relation de Fanny et Jane, nous la dévoilant dans sa complexité douce, dans son étroitesse sublime, dans l'incertitude des relations de force.
C'est là à mon avis ce qui fait son charme. Mais je n'attribuerai pas plus de 7, parce que s'il est vraiment agréable, il y a quelques défauts selon moi, comme le côté un peu brouillon du début, assez difficile à comprendre. Il m'a cependant donné envie d'en lire d'autres, et je m'y attellerai dès que possible.
Une histoire intime, triste et douce, tombée dans l'oubli mais émouvante et au fond, très humaine.