Ayant vu l'étendue du talent de Christopher Priest dans "La Fontaine Pétrifiante" je ne pouvais que m'attendre à un roman d'une construction complexe, j'ai été servi.
La Séparation, raconte une partie que j'ignorais de la seconde guerre mondiale, la proposition de paix de Rudolph Hess aux Anglais en 1941. Dans la réalité Hess est fait prisonnier et restera toute la guerre emprisonné à Londres. Dans le roman il en est autrement, Priest nous invite à vivre la période à travers l'histoire de deux jumeaux Anglais, qui participent aux JO de Berlin en 1936, date qui marque leur différentiation, leur séparation. L'un Joe qui est particulièrement touché du sort qu'il est fait aux juifs et l'autre Jack pour qui seule la compétition sportive compte. A leur retour en Angleterre, ils prennent des chemins sensiblement différents, Joe devient objecteur de conscience et se met au service de la croix rouge, jack pilote pour la RAF lors de la bataille d'Angleterre.
Si on en était resté là Priest aurait pu jouer sur la dualité des jumeaux mais ça n'était pas suffisamment ambitieux, alors il introduit deux bouleversements. Le premier c'est le sort qui est réservé à Hess, un des lieutenants d'Hitler. Un des frères le verra prisonnier et devra participer à son interrogatoire, l'autre le verra en tant qu'ambassadeur de la paix et assistera dans la rédaction d'un traité mettant fin aux hostilités entre les deux pays. Le second changement c'est dans la façon dont est racontée l'histoire, la narration alterne entre les deux frères, et un historien auteur de livre à succès dont les ancêtres ont connus les jumeaux (pourquoi ?!).
C'est finalement là que le bas blesse, les récits se chevauchent au niveau des dates, on se perd rapidement en suivant les pérégrinations, sans vraiment savoir à quoi se fier. Dans ce cas on s'imagine la carotte qui réconciliera les récits ou qui donnera une forme de sens à l'ensemble. Malgré la longueur du livre on y arrive jamais, pourtant j'y ai cru jusqu'à la fin. Les différents récits et points de vue formaient un mélange homogène et compréhensible dans "La Fontaine Pétrifiante" et c'est ce qui m'a manqué ici.
Du coup j'ai vraiment l'impression d'être passé à côté du livre, de la vraie intrigue et c'est franchement dommage. Reste que Christopher Priest sait écrire, c'est ce qui a sauvé l'ensemble du naufrage pour moi, mais ça ne suffit pas pour en faire un livre que je recommanderai. 5/10