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Essai sous forme de dialogue, "la Situation des esprits" n'évite pas la tendance au décousu et à la redite que la forme implique, accentuée par la volonté de tout embrasser : « art, littérature, politique, vie », annonce le sous-titre, parti pris esthétique et moral qui sera développé de façon convaincante dans le corps de l'ouvrage, mais qui donne parfois au texte l'allure d'un long brouillon.
Les idées exposées, néanmoins, se tiennent : l'idée de « dépression culturelle » (p. 9) est suffisamment forte pour donner de la cohérence à l'ensemble. En connaisseurs de la culture contemporaine, Éric Naulleau et (surtout) Jean-Philippe Domecq en cernent quelques-uns des aspects — art contemporain (aucun artiste ou presque antérieur à Duchamp), littérature actuelle (on retrouve des "héros" du "Jourde et Naulleau" et de "la Littérature sans estomac"), vie politique (principalement depuis Mitterrand) : ce sera au lecteur, selon ses goûts, de privilégier tel ou tel domaine, glanant sans doute au passage quelques connaissances dans ce qu'il maîtrise le moins.
Et s'il n'approfondit pas sa culture proprement dite, il s'équipe de notions transposables hors de "la Situation des esprits" : « Pensée-désormais » (p. 35 sq.), ironie (p. 49 sq.), « intelligence théorique et intelligence littéraire » (p. 86), « bêtise de l'intelligence » (p. 129 sq.), consternation comme « sale petite stupéfaction » (p. 171), etc. sont autant d'outils mis en place ou ré-arrangés par les auteurs, à charge au lecteur d'en faire bon usage, à condition aussi de faire abstraction de passages m'as-tu-vu ("regardez-nous passer d'un sujet à l'autre comme deux singes de branche en branche") ou victimaires ("voyez moi, petit singe en cage et bâillonné"), qui alourdissent inutilement le propos.