Évacuons tout de suite les mauvais côtés du bouquin : c'est lent, parfois, et ça se répète un peu trop. Alors que l'intrigue et les personnages se tiennent tout à fait, et tiennent en haleine comme on dit, on a souvent la drôle d'impression que l'auteur radote et surligne excessivement quelques douleurs psychologiques du narrateur - le deuil de la mère, le béguin pour la voisine - que ça va, on avait cerné. Défauts assez récurrents mais qui n'entachent heureusement pas tant que ça la lecture. Venons en au fait.


Aksel vit en Norvège, à la fin des années 60 ; il joue du piano, et comme c'est à peu près tout ce qu'il sait faire à 17 ans, il décide d'y consacrer sa vie : il laisse tomber le bac et travaille assidument pour décrocher le concours du "Jeune Maestro". Il est très sûr de son talent et de ses chances de réussir, trop sûr en fait, et il se rendra vite compte qu'il lui reste beaucoup à apprendre sur la vie, et donc sur son art (ou inversement).


On dit souvent que le monde de la musique classique est très machiste ; en Norvège en tout cas, tout tourne autour des femmes. Et il y en a beaucoup qui tourne autour de notre jeune musicien, en particulier sa mère, morte tragiquement peu de temps avant, dont il était très proche et qui l'obsède constamment, tant il se demande ce qu'elle penserait de ses progrès et approuverait ou non ses choix ; et puis la belle et vaporeuse Anja Skoog, sa voisine, dont il est fou amoureux, mais qui préfère contrôler sa vie avec rigueur et le laisser mariner la plupart du temps. Mais aussi Margrethe Irene, avec qui il vit une relation purement charnelle et qu'il aimerait bien lâcher rapidement ; Rebecca, dont l'amitié et la sensualité s'entrecroisent sans façon ; Cathrine, sa propre sœur, de plus en plus détachée de leur vie de famille ; et Selma Lynge, l'intrigante professeure de piano, dont les méthodes et le charme l'atteignent plus qu'il ne pense. À côté, les quelques hommes qui apparaissent dans le roman sont souvent faibles, inintéressants, voire pathétiques, spécialement le père d'Aksel.
Ce dernier, armé de ses arrogantes certitudes, de son ambition d'adolescent de changer de vie, et de son charme inné, cherche son chemin en se jetant à corps perdu dans la musique, en même temps que dans cet amour à sens unique pour Anja. Ce roman est celui de sa maturité, de son passage à l'âge adulte, une période où le deuil est partout présent, où l'amour est vain et le sexe désespéré, où les familles se délitent, les amitiés se cachent et se dévoilent et où les talents naissent et meurent à toute vitesse. C'est en cela un vrai roman d'apprentissage, et on peut imaginer qu'Aksel en sortira meilleur, bien que blessé ; car un musicien de talent ne peut émouvoir s'il n'a lui-même rien vécu.

Florentin
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le 1 mai 2015

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